Avis malveillants, réseaux sociaux : un guide de l'Ordre pour aider les médecins à gérer leur réputation numérique

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Publié le 10/10/2018
Médecin écran

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Crédit photo : Phanie

Comment maîtriser sa e-réputation ? Comment réagir en cas d'atteinte ? Qu'il s'agisse de référencement sans consentement, d'avis en ligne défavorables ou illicites ou d'impact négatif des réseaux sociaux, l'Ordre publie ce mercredi un mode d'emploi très pratique pour accompagner les médecins dans la délicate gestion de leur e-réputation et leur donner des clés pour régler les litiges.

Cela va de soi mais la première étape (préventive) consiste pour le médecin à dresser un état des lieux des informations publiées sur la Toile et les réseaux sociaux afin d'avoir un aperçu « aussi complet que possible de votre image numérique », recommande l'Ordre. Il préconise une veille mensuelle et la création de comptes personnels sur les moteurs de recherche (Google, Bing, Yahoo) et sites spécialisés (notetondoc, quimesoigne, etc.) et réseaux sociaux (Twitter, Facebook). En cas d'atteinte (ou à titre préventif), il est aussi préconisé de se rapprocher de l'assurance en responsabilité professionnelle – certaines proposant une garantie e-réputation.

Déréférencement d'une fiche pro

Premier cas de figure : la gestion de fiches professionnelles qui fleurissent sur Internet « sans que vous n'en ayez été informé ». L'Ordre rappelle que les informations d'ordre professionnel sont soumises à la réglementation de protection des données. « L'éditeur du site, Google ou toute autre société, doit vous informer au préalable de la création d'une fiche à votre nom, dans la mesure où il exploite vos données personnelles », rappellent-ils.

De fait, si une fiche pro (nom, prénom, spécialité, adresse, téléphone) apparaît sans consentement sur un site ou sur l'outil de recherche Google, le médecin dispose d'un droit d'opposition à l'exploitation et à la publication de ses données personnelles. L'Ordre conseille de s'adresser à l'éditeur du site (coordonnées dans les mentions légales) par courrier, mail ou formulaire en ligne en suivant les instructions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). « Vous devrez justifier votre demande en expliquant les raisons pour lesquelles vous ne voulez pas de cette fiche (vous ne souhaitez pas apparaître sur des sites privés ou sur Google Maps) », lit-on. La société dispose d'un mois pour répondre. Si elle refuse, l'Ordre incite soit à porter plainte auprès de la CNIL, soit à passer pas une procédure judiciaire pour supprimer la fiche par référé.

Le praticien peut aussi réclamer le « déréférencement » de sa fiche sur les moteurs de recherche. La CNIL a mis en ligne des formulaires en ce sens. 

Des avis qui font mal 

Autre problématique de la e-réputation : les avis ou propos hostiles d'internautes qui, parfois, dépassent le cadre de la liberté d'expression. L'Ordre rappelle que « les personnes visées par certains commentaires négatifs ou inappropriés disposent de différents moyens d’actions juridiques afin de limiter l’atteinte subie et d’obtenir réparation de leur préjudice ».

La réactivité est « primordiale » dans le monde du numérique, insiste l'Ordre, tout comme la preuve de la publication (capture d'écran). Plusieurs stratégies sont possibles (préventives, défensives, pacifiques, offensives).  

Dans le cas d'avis négatifs mais pas illicites (comme un temps d'attente excessif), l'Ordre conseille de répondre en adoptant « une attitude ouverte et en fournissant une réponse empathique ». Si le commentaire négatif est en ligne, le praticien peut créer un compte sur le site concerné (exemple Google my business) et y répondre. Si ce procédé est impossible, les sites ont l'obligation d'octroyer un droit de réponse. Il faut adresser une demande par lettre recommandée avec avis de réception au directeur de publication. Le médecin ne peut porter atteinte au secret médical, promouvoir son activité et commenter le déroulé de la consultation. L'Ordre propose une méthode type pour répondre à des commentaires négatifs (en cas de désagrément lié aux soins, de consultation jugée trop courte, de retard, etc.).

« Buse », « larbin », « nazi » 

Mais certains avis dépassent le cadre de la liberté d'expression. Seul un avocat pourra aider le médecin à en déterminer la nature. Il peut s'agir d'un délit pénal ou de faits ouvrant droit à une action au civil. Des « injures » ont été reconnues par les tribunaux telles que « buse », « larbin » mais aussi des propos xénophobes, racistes ou sexistes. L'Ordre cite également « voleur » ou « nazi ».

Le guide ordinal n'oublie pas la diffamation (description d'une salle d'attente comme étant insalubre, attribution d'erreurs médicales, etc.), les incitations à la haine ou à la violence ou encore le dénigrement (un praticien qui se fait traiter de moins compétent qu'un autre et voit ses diagnostics remis en question) et les atteintes à la vie privée (publication de photos, vidéos). 

Référé

Là encore, plusieurs moyens d'action sont possibles (tous détaillés dans le guide) « allant d'une voie à l'amiable à une voie judiciaire nécessitant l'assistance d'un avocat ». Le praticien peut signaler à l'éditeur ou l'hébergeur les propos abusifs, mettre en demeure l'auteur de l'avis, adresser une notification à l'hébergeur ou encore constituer une preuve en réalisant un constat par huissier.

Si les voies amiables sont épuisées, une action judiciaire peut être enclenchée pour supprimer rapidement les avis ou propos jugés illicites. Deux grandes options sont possibles : un référé dirigé contre l'auteur ou l'éditeur devant le TGI ou une procédure de requête en cas de non-identification de l'auteur (pour obliger l'hébergeur à agir).

Si le médecin veut être indemnisé (en sus de la suppression des avis), plusieurs actions judiciaires sont envisageables en cas d'injure, de diffamation ou de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Il s'agit d'un dépôt de plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction (si l'auteur est inconnu), d'une citation directe devant le tribunal correctionnel (si l'auteur est identifié) ou d'une assignation devant le TGI (en vue d'une indemnisation sans condamnation pénale).  


Source : lequotidiendumedecin.fr