Face à la controverse, le Health Data Hub retire « temporairement » sa demande d’autorisation pour héberger des données de santé

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Publié le 10/01/2022
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Crédit photo : DR

Clap de fin pour le Health Data Hub ? La plateforme de gestion des données de santé française, créée il y a moins de trois ans, vient en tout cas de retirer sa demande d’autorisation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). « En accord avec le ministère des Solidarités et de la Santé, le Health Data Hub a retiré temporairement sa demande d’autorisation pour héberger la base principale du système national des données de santé (SNDS) et les bases du catalogue dans la plateforme technologique, dans l’attente de la finalisation de l’instruction par la CNIL de l’arrêté définissant la composition de ces bases », a confirmé Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub (HDH), auprès du « Quotidien ».

Créé en 2019 à la faveur de la loi « Ma Santé 2022 », le HDH a pour mission, entre autres, d’aider les chercheurs à accéder aux bases de données de santé françaises. Pour cela, il utilise notamment les informations contenues dans le SNDS. Cause de décès, données de remboursement de tous les assurés, motifs de consultations ou d’hospitalisations… Le SNDS est l’une des plus grandes bases de données de santé mondiale. Un vivier – qui collige chaque année 1,2 milliard de feuilles de soins - dont sont co-responsables la Cnam et le HDH.

Pas de copie

Avec ce retrait de demande d’autorisation, impossible donc pour le HDH de conserver une copie de ces bases de données de manière pérenne. « Les entrepôts de données de santé qui sont appareillés avec la base principale du SNDS sont soumis à une autorisation de la Cnil », rappelle le Dr Adrien Parrot, anesthésiste-réanimateur, informaticien et président de l'association InterHop qui réunit médecins, ingénieurs et juristes autour de la protection des données de santé et la conception de logiciel en open source. « Le HDH n’est autorisé qu’à faire tourner ses projets pilotes, notamment ceux en lien avec le Covid », ajoute-t-il.

Malgré cette annonce, « le HDH est parfaitement vivant », a rétorqué sa directrice. En attendant, la plateforme continuera à mettre à disposition de la recherche « les données aux projets autorisés, un par un », avance Stéphanie Combes. Néanmoins, pour le HDH, « centraliser une partie des données pour la recherche présente un intérêt majeur pour l’innovation puisque cela permet de réduire significativement les délais de mise à disposition actuellement estimés entre 6 et 9 mois, voire dans certains cas plusieurs années », poursuit Stéphanie Combes.

Le géant Microsoft en ligne de mire

Depuis son lancement fin 2019, le HDH n’a cessé de provoquer la controverse. En ligne de mire : l’hébergement des données de santé confié à Microsoft. Un choix « risqué juridiquement », selon Adrien Parrot, qui pointe depuis plusieurs années les risques de sécurité de cet hébergement étranger. Car le géant américain dépendrait également, selon lui, de loi américaine, peu protectrice. Le retrait de cette demande d’autorisation « est le fruit d’une problématique politique, lié au contexte électoral qui se rapproche et avec en trame de fond les critiques liées à Microsoft » estime-t-il.

Il y a un an déjà, le collectif InterHop signait une tribune dans « Libération », fustigeant ce « Big brother médical ». Soutenu, entre autres par l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML), la Fédération des médecins de France (FMF) ou l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), le texte réclamait « une refonte structurelle du projet Health Data Hub ainsi que le retrait immédiat de Microsoft ». La même année, le Cnil avait rappelé son souhait « eu égard à la sensibilité des données en cause, que son hébergement et les services liés à sa gestion puissent être réservés à des entités relevant exclusivement des juridictions de l’Union européenne ». Quelques mois plus tard, en février 2021, c’était au tour de la Cnam d’exprimer ses réserves, jugeant que les « conditions juridiques nécessaires » ne « semblaient pas réunies » pour confier les données de santé de 67 millions de Français à une entreprise américaine.

Olivier Véran avait alors promis le retrait de Microsoft sous deux ans. Trop long pour InterHop : « deux ans, le temps pour les données, pourtant couvertes par le secret médical, d’être bradées ou accaparées par des intérêts commerciaux ou politiques ». En mars 2021, l’association de lutte contre la corruption Anticor a d’ailleurs saisi le Parquet national financier, arguant que le marché public avait été attribué à Microsoft « sans mise en concurrence ».

Des alternatives

À défaut de pouvoir conserver une copie de ces bases de données pour l'heure, le HDH poursuit les projets déjà entamés. Il « accompagne aujourd’hui 55 projets avec ses partenaires et une dizaine accède déjà, ou est sur le point d’accéder dans les prochains jours, à la plateforme technologique », précise Stéphanie Combes. « Le HDH est également partenaire d’un projet d’entrepôt de données de médecine de ville », ajoute la directrice de la plateforme. 

Pour Adrien Parrot, « il existe des alternatives à cette plateforme, en open source, décentralisées ou non, qui permettront d’avancer, de faire de la recherche, pour améliorer la qualité de vie des personnes, mais pas au détriment de la vie privée ».

Interrogé par le « Quotidien», la Cnil indique que le HDH « peut néanmoins, même sans cette autorisation, héberger et mettre à disposition des données comprenant des données du SNDS pour la réalisation de projets de recherche »


Source : lequotidiendumedecin.fr