Les malades chroniques jugent que la téléconsultation pourrait remplacer la moitié de leurs rendez-vous médicaux, selon une étude de l’AP-HP

Par
Publié le 18/01/2022
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

Alors que la pandémie a mis un coup d’accélérateur sans précédent à la pratique des soins à distance, qu’en pensent réellement les malades chroniques ? C’est la question que s'est posée une chercheuse de l’université de Paris et du centre d'épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu (AP-HP), dont les travaux ont été publiés dans la revue JAMA Network le 29 décembre dernier.

En utilisant le vivier de patients de la base ComPare - Communauté de Patients pour la recherche de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris et d’université de Paris – son équipe a interrogé, en février dernier, plus de 1 500 malades chroniques (endométriose, cancer, hypertension, asthme, diabète, dépression, ...) sur leur rapport à la télémédecine.

Premier constat : les patients chroniques plébiscitent largement la téléconsultation, sans pour autant lui accorder un blanc-seing. Ainsi, ils jugent que 50 % de leurs futures consultations pourraient se faire par visio. « Pour une simple consultation de renouvellement d’ordonnance, la téléconsultation est une super méthode, témoigne une patiente de 39 ans. Mais pour un problème plus complexe, il vaut mieux voir un praticien en personne. »

S’ancrer dans une routine

Alors que les auteurs de l'étude ont interrogé les patients sur leurs prérequis à une téléconsultation « idéale », une large majorité cite des soins de routine, « telles que le renouvellement d'ordonnance ou la discussion du résultat de leurs analyses de sang avec leur médecin, surtout si les téléconsultations leur permettent de gagner du temps pour se rendre au cabinet », rapporte Theodora Oikonomidi, co-autrice de l’étude et épidémiologiste à l’Inserm.

À l’inverse, tous la jugent inappropriée si des examens cliniques sont nécessaires, même pour une simple mesure de tension artérielle. À l’avenir, ces malades chroniques souhaitent une plus large utilisation de la téléconsultation mais, à la surprise des auteurs, surtout pour multiplier les contacts et non pour remplacer une consultation présentielle. « Cette utilisation diffère de l'utilisation prévue de ces outils telle qu'envisagée par leurs développeurs », souligne l’étude.

Autre condition : « Que la sécurité des données soit garantie et que les téléconsultations soient remboursées de la même manière que les consultations en personne », ajoute Theodora Oikonomidi.

Endométriose et asthme moins emballés

Pour compléter ce panorama, les auteurs sont allés questionner les malades quant à leur utilisation des moteurs de recherche, pour analyser leurs symptômes. Et dans ce cas, les avis sont plus mitigés. Seuls 22 % des malades préfèrent surfer sur le web plutôt que d’aller consulter leur médecin. La grande majorité trouve, sans surprise, plus rassurant d’aller consulter leur généraliste, notamment en cas d’apparition de symptômes atypiques. « Je n’utiliserais des évaluations de symptômes en ligne que si mon médecin m'envoyait une notification en cas de symptômes ou de comportements le justifiant », détaille ainsi un autre patient de 35 ans.

Cet usage se révèle d’ailleurs différent, selon l’étude, en fonction des pathologies. Les patients atteints d’endométriose et d’asthme évitent davantage ces outils en ligne et « préféraient contacter un médecin à la place ». Comment expliquer ces différences ? En partie par la crainte de diagnostic erroné des plateformes web. Peu pertinent donc « pour les patientes atteintes d'endométriose, qui luttent souvent pendant des années pour que leurs symptômes soient pris au sérieux et pour obtenir leur diagnostic », suggère Theodora Oikonomidi.

La télésurveillance rassurante

À quelques points devant la téléconsultation, la télésurveillance est, elle aussi, vantée par la cohorte française : 52 % d’entre eux préfèrent être surveillés à distance pour une adaptation de traitement. Seuls 15 % des malades chroniques estiment que l’ajustement de la thérapeutique ne doit se faire qu’en face d’un médecin. « La télésurveillance est rassurante à la fois pour le patient et pour le médecin », abonde un patient de 84 ans. Mais là encore, les participants de l’étude ne donnent pas carte blanche à la télésurveillance, leur principale exigence étant que ces données soient systématiquement supervisées par un médecin.

Petit bémol du côté des patients atteints de cancer qui sont moins nombreux à vouloir remplacer le colloque singulier par des outils de télésurveillance. « Les raisons peuvent être associées aux caractéristiques de la maladie ou à la communication patient-médecin, imagine Theodora Oikonomidi. Mais étant donné que notre étude ne s'est pas concentrée sur ce groupe de patients, les études futures devraient examiner cette association. »

Un guide pour les médecins

Loin de simplement poser un constat, les malades chroniques proposent également des pistes d’évolution dans un contexte post-pandémie, « pour guider les médecins dans le remplacement des soins traditionnels par des soins alternatifs », souligne l’étude. Une centaine de critères a été retenue. Les patients suggèrent par exemple, à l’avenir, de renouveler les prescriptions sans consultation, sur la simple base de résultats de laboratoire communiqués par mail. Une pratique surnommée par les auteurs « mini-téléconsultation ». La prolongation des ordonnances au-delà de leur date de validité est également citée, bien que les patients prennent le soin de préciser que les opiacés devraient en être exclus.

Autre proposition, plus surprenante : centraliser les soins des patients multimorbides autour d’un seul soignant « qui pourrait consulter à distance des spécialistes pour le compte du patient », souligne l’étude.

Cette étude de l’AP-HP est l’une des premières du genre. Jusque-là, la plupart des données concernant l’avis des patients sur la télémédecine se cantonnaient généralement à des sondages diligentés par des sociétés de e-santé. Un biais subsiste toutefois : l’enquête de l’étude ComPare a été menée en ligne, sélectionnant, de facto, des patients connectés. 


Source : lequotidiendumedecin.fr