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Dossier

Bioéthique : les 5 points clés de la loi au menu de l'Assemblée

Par Coline Garré - Publié le 23/09/2019
Bioéthique : les 5 points clés de la loi au menu de l'Assemblée

Un projet de loi qui élargit notamment les conditions de la PMA
Phanie

La discussion de la loi de bioéthique en séance publique à l’Assemblée nationale s’ouvre demain et durera jusqu’au 9 octobre. Si son examen en commission spéciale début septembre n’a pas donné lieu à de grands changements par rapport au projet initial du gouvernement, il a fait apparaître des points de frictions voire de tension.

Précédée de deux années de concertation, ponctuées par la publication de rapports des plus hautes instances, la troisième révision des lois de bioéthique depuis 1994 sera soumise à la représentation nationale demain. Au-delà de l’ouverture de l’Assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes, le projet de loi assouplit les conditions de la recherche sur les cellules-souches embryonnaires et renforce l’encadrement médical des tests génétiques.
 

Procréation : AMP pour toutes et autoconservation des gamètes

L’article 1 de la future loi, qui devrait être longuement discuté, ouvre l’accès à l’AMP, remboursée, aux couples de femmes et aux femmes seules. S’il est adopté, les critères médicaux d’infertilité et de risque de transmission à l’enfant ou au conjoint d’une maladie grave, qui conditionnent aujourd’hui l’accès à cette technique deviendront caduques. En commission, les députés ont précisé qu’il ne pouvait y avoir de discrimination en fonction du statut matrimonial, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Ils ont rejeté, avec l’appui de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, la proposition LR d’introduire une clause de conscience spécifique.

L’AMP post-mortem devrait être beaucoup débattue : en commission, les députés ont voté de justesse le maintien de son interdiction, suivant l’avis d’Agnès Buzyn. Mais d’aucuns dénoncent une incohérence dans un contexte d’ouverture de l’AMP à toutes.

Le projet de loi autorise la conservation des gamètes hors indications médicales. Le débat devrait revenir sur la possibilité accordée par les députés en commission aux centres privés (et non seulement publics ou privés à but non lucratif) d’assurer la conservation des gamètes – non remboursée, à la différence du prélèvement et du recueil. Le gouvernement y est hostile, ainsi qu’à tout ce qui pourrait « encourager » cette autoconservation ovocytaire. En revanche, il y a eu unanimité sur la nécessité d’informer les Français sur la fertilité.

Les députés ont autorisé le double don de gamètes, suivant l’avis d’Agnès Buzyn contre l’opposition LR, qui dénonce l’éviction de tout lien biologique, et ont maintenu l’interdiction du don dirigé (lorsque le patient vient avec son propre donneur) et de la technique de réception d’ovules de la partenaire (ROPA) par la femme qui porte l’enfant.

Don de gamètes : la fin de l'anonymat 

Le projet de loi prévoit qu’à sa majorité, un enfant conçu avec tiers donneur (4 % des procédures d’AMP aujourd’hui), pourra demander l’accès à des données non-identifiantes ou/et à l’identité du donneur. Une personne ne pourra donner ses gamètes que s’il consent à l’éventuelle transmission de ces informations, conservées par l’Agence de la biomédecine (ABM).

Comment se succéderont les stocks de gamètes anciens et nouveaux ? Les discussions ne manqueront de ressurgir dans l’hémicycle, d’autant plus que les députés ont voté en commission la possibilité de recontacter les anciens donneurs, une mesure éthiquement délicate qui rompt un contrat moral, selon la ministre de la Santé. 

Génétique : l'encadrement médical réaffirmé 

Le projet prévoit la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne qui ne peut exprimer sa volonté (y compris décédée), dans son intérêt ou celle de sa famille, lorsque le médecin suspecte une anomalie génétique grave.

Il modifie la transmission des informations génétiques, en permettant au médecin de faire part aux patients de la découverte fortuite d’éventuelles anomalies génétiques, s’ils le souhaitent. Faut-il le dire à la parentèle ? Les députés ont pour l’instant répondu non. Ils ont sanctuarisé le rôle du généticien dans l’annonce de ces informations sensibles au patient. 

n revanche, le projet de loi ne modifie pas le cadre actuel des tests ADN en accès directs ou du diagnostic préimplantatoire, encore moins du dépistage préconceptionnel, ou néonatal, malgré de longs débats en commission, qui ne manqueront pas de ressurgir. Les ministres Agnès Buzyn et Frédérique Vidal (Enseignement supérieur et Recherche) ont justifié leurs refus d’élargir les tests ADN hors du cadre existant par la difficulté à prédire l’expression de mutations génétiques, la crainte de comportements inappropriés de la part de patients face à des résultats incompréhensibles, ou encore, le risque de dérives eugéniques.

Recherche : l'embryon distingué des cellules-souches et des cellules iPS

Le projet de loi distingue pour la première fois le régime de recherche sur l’embryon (qui implique depuis 2013 une demande d’autorisation auprès de l’ABM) et celui des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, qui devront être simplement déclarées à l’ABM au préalable. Quant aux recherches sur les cellules pluripotentes induites ou iPS (des cellules adultes dédifférenciées, capables de redonner n’importe quel type cellulaire), elles devront faire l’objet d’une déclaration lorsqu’elles visent à concevoir des gamètes ou agréger les cellules iPS à des cellules extra-embryonnaires.

La durée limite de développement des embryons in vitro destinés à la recherche est par ailleurs fixée à 14 jours. Les embryons donnés à la recherche par les couples ne pourront être conservés que cinq ans ; l’utilisation de techniques d’édition du génome (CRISPR cas9) est circonscrite à la recherche. 

Les discussions en commission ont été l’occasion pour Frédérique Vidal de rappeler les lignes rouges que le gouvernement n’entend pas franchir, comme l’interdiction de créer un embryon pour la recherche, de recourir à l’édition du génome d’un embryon qui serait réimplanté (à l’instar de ce qui a été fait en Chine en 2018), ou encore d’introduire des cellules animales dans des embryons humains. 

Don, microbiote fécal, neuromodulation

Enfin, cette révision de la loi de bioéthique devrait augmenter au-delà de deux aujourd’hui le nombre de paires de donneurs dans le don croisé et permettre à un mineur ou un majeur protégé de se soumettre à un prélèvement de ses cellules-souches hématopoïétiques, en vue d’une greffe intrafamiliale. Elle encadre l’emploi de l’imagerie cérébrale ou encore la création de médicaments issus du microbiote fécal ou de thérapie innovante.

Coline Garré