Cannabis médical : à quelques jours du coup d'envoi en France, les détails sur la formation, la prescription et le suivi

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Publié le 04/03/2021
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Crédit photo : PHANIE

D'ici quelques jours, la liste des structures de référence volontaires pour participer à l'expérimentation du cannabis médical en France sera publiée par l'ANSM, de même que la première liste des pharmacies habilitées à en dispenser. Au même moment, la formation des professionnels de santé volontaires va débuter et le registre de suivi des patients Recann sera mis en ligne. L'expérimentation, portant sur 3 000 patients maximum en simultané et prévue pour durer deux ans, pourra alors concrètement commencer, avec le recrutement des premiers patients avant la fin du mois de mars.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a présenté ce mercredi matin le détail du dispositif, et voici les réponses aux principales questions que se posent les praticiens.

Qui aura le droit de prescrire et de suivre les patients participant à l'expérimentation ?

La prescription et le suivi sont réservés à des médecins ayant suivi la formation en ligne de 2 h 30 délivrée par le site de l'ANSM. La primoprescription ne sera autorisée que dans les 200 centres répartis sur le territoire et par type d'indication. Le suivi et le renouvellement des prescriptions pourront être faits par un médecin de ville. Cette formation sera également obligatoire pour les pharmaciens désirant délivrer les différentes préparations de cannabis thérapeutique. En outre, tous les acteurs de la chaîne devront être inscrits dans le registre Recann.

Que contient la formation dispensée par l'ANSM ?

Basée sur les expériences de médecins étrangers, et notamment les Canadiens qui sont habitués à prescrire du cannabis depuis près de 20 ans, l’e-learning porte sur les modalités de titration, de prescription et de délivrance, et sur la réglementation. Les professionnels de santé peuvent déjà s'inscrire en ligne. « Nous avons déjà sélectionné une centaine de pharmaciens et de médecins qui seront formés avant le début de l'expérimentation », explique Nathalie Richard, directrice adjointe pour les produits de santé en neurologie à l'ANSM. Les participants à la formation devront valider plusieurs modules pour avoir le droit de s'inscrire sur le registre Recann.

Un appel à volontaires à destination des pharmaciens d'officine devrait bientôt être lancé pour recruter plus spécifiquement ce type de professionnels de santé.

Quelles sont les précautions qui entoureront la prescription et la dispensation ?

« L'expérimentation est prévue pour être la plus sécurisée possible », assure la directrice générale de l'ANSM, Christelle Ratignier-Carbonneil. Les ordonnances seront valables 28 jours maximum. La dispensation suit la réglementation des stupéfiants appliquée en France : l'ordonnance devrait être présentée en pharmacie sous trois jours. La délivrance pourra se faire en pharmacie à usage intérieur du centre de référence, soit en officine de ville.

Quel sera le parcours du patient ?

L'expérimentation est ouverte sans limite d'âge. Le patient doit, dans un premier temps, être adressé à un centre expert pour une phase d'identification et d'orientation. L'inclusion se fait au regard de critères d'inclusion très stricts qui seront évalués par le patient et qui sont dans une situation de soulagement insuffisant ou de mauvaise tolérance des thérapeutiques existantes. Les patients seront exclus de l'expérimentation en cas de nom compréhension des questionnaires ou de conditions de vie incompatibles avec un suivi tout au long de l'expérimentation. En cas d’éligibilité, le patient sera inscrit dans le registre et pourra choisir son pharmacien qui pourra se former si ce n'est pas déjà fait.

Le suivi sera de six mois minimum, même en cas d'arrêt précoce du traitement, avec au moins une visite classique mensuelle. Des consultations longues, dites « complexes », devront aussi être faites au cours des 1er, 3e, 6e, 12e et 18e mois de l’expérimentation au sein des structures de référence. Ces dernières doivent servir à évaluer la douleur et les effets indésirables.

Il est à noter que les patients n'auront pas le droit de conduire pendant toute la durée de leur participation à l'expérimentation.

Quels sont les produits et qui sont les fournisseurs ?

Il existe au total neuf types de produits, répartis en trois types de préparations − huile (pour cigarette électronique), fleur (pour inhalation après vaporisation) − et en trois catégories : ratio THC dominant, ratio équilibré entre THC et CBD et ratio CBD dominant. Dans sa décision du 25 janvier dernier, l'ANSM a sélectionné, pour chacun de ces produits, un duo de fournisseurs et d'exploitant pharmaceutique, un principal et un suppléant.

Pour des raisons de législation propres à la France interdisant l'exploitation de la fleur de cannabis, aucun des fournisseurs (Aurora Europe, Tilray, Panaxia Pharmaceutical Industries, Emmac Life Science, Litte Green Pharma, Althea Campany) n'est localisé en France. C'est en revanche le cas de tous les exploitants pharmaceutiques : Neuraxpharm, Intsel Chimos, Boiron, Ethypharm et Medipha santé. « Il y a actuellement une réflexion autour de la création d'une filière de production française », estime Christelle Ratignier-Carbonneil.

« Nous sommes en train de terminer les tests dans nos laboratoires pour nous assurer du respect des normes et de la qualité des produits, explique Françoise Duperray, directrice adjointe des contrôles à l'ANSM. Nous avons été agréablement surpris par la qualité des lots : nous avons utilisé des méthodes d'analyses normalement employées pour des médicaments chimiques, et il n'est généralement pas facile pour des plantes de respecter les normes. » De tels contrôles seront réalisés tout au long des 24 mois de l'expérimentation.

Malgré les demandes répétées par les associations de patients et les parlementaires, aucun budget spécifique n'a été alloué à l'agence du médicament pour financer cette expérimentation, qui repose donc sur la générosité des producteurs pour fournir les produits. Christelle Ratignier-Carbonneil assure toutefois qu'il n'y aura « pas de contrepartie » et que « si l'expérimentation du cannabis est généralisée, ce ne seront pas forcément ces fournisseurs qui seront retenus pour la suite », garantit-elle.

À la fin de l'expérimentation, les patients devront-ils nécessairement arrêter leur traitement ?

C'est une question délicate à laquelle l'ANSM n'a pas, à ce stade, de réponse à proposer. « Nous souhaitons tous que cette expérimentation soit un succès en termes d'organisation et de données en vie réelle. Nous voulons évaluer et anticiper la situation au fur et à mesure de l'expérimentation, explique Christelle Ratignier-Carbonneil. À ce stade, je ne peux pas m'exprimer sur ce qui se passera après, mais l'objectif est de ne pas arrêter le traitement des patients bien équilibrés. »


Source : lequotidiendumedecin.fr