Lithium pendant la grossesse : des malformations fœtales, mais moins qu’on pensait, et pas cardiaques

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Publié le 19/06/2018

Les résultats de la plus large étude à évaluer les risques pour le fœtus, la grossesse, et l’accouchement d'une exposition au lithium pendant la grossesse sont parus dans « The Lancet Psychiatry ». Ils montrent un surrisque de malformations fœtales après exposition pendant le premier trimestre, mais plus faible que l’on ne pensait, et pas d’association avec des complications pour la grossesse ou l’accouchement en eux-mêmes, ni un surrisque de malformations cardiaques.

Le lithium, principalement utilisé pour les troubles bipolaires, est déconseillé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en prévision ou en cas de grossesse. De son côté, le Centre de référence sur les agents tératogènes chez la femme enceinte (CRAT) estime que « le lithium est responsable de malformations touchant essentiellement la sphère cardiaque », avec une surreprésentation de la maladie d’Ebstein. Le CRAT précise aussi qu’une augmentation de la prématurité est signalée (en cas d’exposition pendant la grossesse) et engage, en prévision d’une grossesse, à préférer, « avec l’accord du prescripteur, soit arrêter le lithium de la conception jusqu’à la fin de l’organogenèse cardiaque (50e jour post-conception) pour éviter une éventuelle malformation cardiaque liée au lithium ; soit recourir à un autre traitement », avec possibilité de poursuivre le traitement « sous réserve d’une surveillance adaptée », si son interruption « risque de compromettre l’équilibre maternel ».

Étude internationale multicentrique

Cette étude a évalué les risques de malformations et de troubles de la grossesse et de l’accouchement de 727 grossesses exposées au lithium comparées à 21 397 grossesses non-exposées, entre 1997 et 2015. Toutes les femmes incluses dans l’étude, qui venaient de six centres au Danemark, Canada, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni et États-Unis, présentaient un trouble de l’humeur (bipolarité ou dépression majeure).

Réhospitalisations doublées, 1,5 fois plus de risque de malformations

Cette étude montre que 7,4 % des enfants exposés in utero au lithium pendant le premier trimestre présentent des malformations majeures, contre 4,3 % dans le groupe non exposé. Le risque de réhospitalisation néonatale dans les 28 jours après la naissance est de son côté presque doublé (27,5 % dans le groupe exposé contre 14,3 % dans le groupe non exposé). Les auteurs n’ont cependant observé aucune association de l’exposition au lithium avec des complications de la grossesse ou de l’accouchement (prééclampsie, prématurité, diabète gestationnel, faible poids de naissance), et pas de différence significative en termes de malformation cardiaque.

Pour Veerle Berking, auteur senior de l’étude et professeur de psychiatrie, obstétrique, gynécologie et science reproductive à l’école de Médecine Icahn de l’hôpital Mount Sinai à New York, « les femmes devraient être informées du risque de malformation chez les enfants exposés au lithium pendant le premier trimestre, mais aussi du risque très élevé de rechute de la maladie mentale pendant la grossesse et en post-partum. Étant donné l’efficacité bien démontrée du lithium pour réduire les rechutes dans la période périnatale, les recommandations cliniques sont soit de continuer le lithium à faible dose pendant le premier trimestre, soit de le recommencer après le premier trimestre ou en immédiat post-partum. »


Source : lequotidiendumedecin.fr