Pénurie de pilule abortive : François Braun tente de rassurer

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Publié le 19/04/2023
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Crédit photo : S.Toubon

Alors que de nombreuses pharmacies en France ne disposent plus dans leurs rayons d'une pilule abortive, le ministre de la Santé François Braun s'est voulu rassurant dans un communiqué publié ce mercredi et lors d'une intervention sur RMC, assurant qu'il « n'y avait pas de pénurie ».

C'est l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) qui a sonné l'alarme il y a déjà plusieurs semaines : dans plusieurs endroits, le misoprostol a été ou est encore difficile, voire impossible à trouver, par exemple à Lille, à Versailles ou encore à Issy-les-Moulineaux, a-t-il rapporté.

« Nous avons reçu récemment de nouveaux témoignages indiquant qu'il n'est pas disponible non plus en Occitanie ou dans certaines pharmacies parisiennes », a indiqué mardi à l'AFP Pauline Londeix, cofondatrice de l'OTMeds. L'Observatoire estime que les perturbations d'accès à l'IVG médicamenteuse touchent environ 20 % du territoire.

Une des deux spécialités disponible

L'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse (qui représente 70 % des IVG en France) repose sur la prise successive de deux médicaments : la mifépristone puis, 36 à 48 heures après, le misoprostol, nécessaire à l'expulsion de l'embryon. En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées dans cette indication et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma : Gymiso et Misoone.

Depuis la fin de l'année 2022, Nordic Pharma accuse des retards dans la fabricaction de Gymiso, utilisable jusqu'à 9 semaines après les dernières règles. Un report a été effectué vers Misoone, mais un retard d'approvisionnement en matières premières est venu perturber la fabrication de ce second médicament.

Selon le ministère, d’importantes livraisons de la spécialité Gymiso (46 500 boîtes) - couvrant plus de trois mois de consommation habituelle - ont débuté depuis le 7 avril dernier. Toutefois, « des tensions subsistent sur la présentation en boîte d'un comprimé : ces tensions s’estomperont rapidement grâce à des livraisons en cours (45 000 boîtes) à partir de cette semaine », est-il précisé dans le communiqué. De plus, une importation de la spécialité Misoone italienne est en cours.

Des mesures de contingentement

L’ANSM a pris des mesures de gestion, à commencer par le contingentement de la distribution dans les officines : les pharmacies de ville peuvent uniquement commander au niveau de leur grossiste des boîtes d'un comprimé destinées aux professionnels de santé. Les boîtes de 16 comprimés sont, quant à elles, réservées à un usage en établissement de santé. Par ailleurs, la vente et l’exportation de ces médicaments par les grossistes-répartiteurs vers l’étranger ont également été interdites.

Le ministère reconnaît les difficultés temporaires des professionnels à s’approvisionner auprès de leur pharmacie habituelle, et recommande d'orienter les patientes vers les centres IVG les plus proches.

L'OTMeds a réagi vivement à la communication ministérielle : « Il est inacceptable qu’un médicament aussi important soit indisponible, ne serait-ce qu’une semaine », insiste l'observatoire, qui rappelle que les promesses de « retour à la normale » du ministre « avaient été faites à propos du paracétamol ou de l’amoxicilline » et « se sont avérées fausses ».

Les modes de production du médicament en cause

Les défaillances en cascade qui touchent le misoprostol illustrent bien la multiplication des tensions et des ruptures d'approvisionnement en France. Lors des diverses missions parlementaires menées sur le sujet (la dernière en date a été lancée en avril), les causes évoquées restent les mêmes : une production de médicaments sous tension, entre les mains d'un trop petit nombre d'acteurs et largement délocalisée.

« Le ministre de la Santé et de la Prévention n’a pas expliqué les mesures prises sur le terrain pour éviter le pire dans les 15 prochains jours, le temps que le retour à la normale qu’il promet se traduise localement. Il n’a pas non plus présenté de solutions sur le long terme, comme une relocalisation publique, coordonnée au niveau européen », gronde l'Observatoire.

« C'est en tout cas l'exemple de trop qui prouve qu'une ultraconcentration du marché peut mettre en péril notre sécurité sanitaire », ajoute Pauline Londeix. Son organisation appelle à une relocalisation massive de la production de médicaments en France, estimant que l'éclatement de celle-ci en plusieurs pays contribue aux problèmes d'approvisionnement.


Source : lequotidiendumedecin.fr