De la médecine de ville jusqu'à l'hôpital

2020 dans le rétroviseur : le système de santé face au choc du Covid

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Publié le 22/12/2020
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Des cabinets libéraux désertés au printemps, des hôpitaux saturés, des soignants épuisés mais solidaires et applaudis comme jamais : la crise sanitaire a ébranlé le système de santé et révélé ses failles. Mais certaines leçons utiles ont déjà été tirées.
En 2020, le niveau de tension des capacités hospitalières en réanimation a fait l'objet d'une attention permanente

En 2020, le niveau de tension des capacités hospitalières en réanimation a fait l'objet d'une attention permanente
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Lorsque le Dr Olivier Véran succède à Agnès Buzyn, le 16 février 2020, au ministère de la Santé, le neurologue hospitalier – pas encore quadra – ne se doute pas de la tempête qui l'attend. Certes, ce « Macron boy » expert des questions sociales, s'est préparé de longue date pour Ségur mais impossible d'imaginer le choc qui va secouer l'ensemble du système de santé français.

Début mars, c'est la mobilisation générale. Plan ORSAN, cellules de crise, circuits dédiés dans les hôpitaux, puis plan blanc maximal : les établissements s'organisent face à ce nouveau coronavirus imprévisible, les libéraux déplorent le manque d'anticipation, le gouvernement exhorte les soignants à être « pleinement mobilisés ». Mais déjà, la question se pose d'une éventuelle pénurie de médicaments indispensables – de nombreux laboratoires étant très dépendants de la Chine pour leur production et fabrication de principes actifs.

Masques, tests, respirateurs : rien ne va plus

Le secteur de la santé est placé en alerte maximale. Les centres ambulatoires Covid se multiplient pour désengorger les hôpitaux qui risquent la saturation. En ville, le gouvernement ouvre les vannes de la téléconsultation (lire page 8). Parallèlement, les cabinets libéraux se vident, sous l'effet du confinement et d'une communication maladroite qui exhorte les Français à limiter leurs déplacements au maximum, y compris pour des soins courants.

Après l'union sacrée des premières semaines, la polémique enfle sur la pénurie tricolore de masques, de tests, de respirateurs ou de lits de réa. Heure après heure, l'exécutif surveille les indicateurs de tension des réanimations. Durant la deuxième quinzaine de mars, la France organise des centaines d'évacuations de malades depuis les régions les plus en tension (Grand Est, Ile-de-France). Une opération sans précédent.

Alors que l'épidémie fait rage, les EHPAD livrent de leur côté une guerre d'usure entre les consignes de confinement renforcé, l'angoisse de propager le virus et le défi de la continuité des soins pour des résidents fragiles. Jour après jour, la presse locale égrène les décès dans les EHPAD. Le seuil des 10 000 morts est franchi en France le 7 avril.

Des médecins crèvent l'écran

La crise oblige tous les acteurs à s'adapter. Pour casser les chaînes de contamination, des brigades sanitaires de l'Assurance-maladie ou des équipes mobiles de l'AP-HP se mettent en place pour organiser le contact tracing, clé de la réussite du déconfinement. L'État est contraint de contingenter les stocks de cinq molécules d'anesthésie pour pallier les difficultés d'approvisionnement et prévenir le risque de pénurie.

La bataille se déploie sur tous les terrains, y compris sur le front médiatique. Urgentistes, infectiologues, virologues ou réanimateurs crèvent l'écran – de Karine Lacombe à Philippe Juvin en passant par François Bricaire, Éric Caumes ou Gérald Kierzek. La parole scientifique est contestée avec des polémiques violentes dont celle, emblématique, sur l'hydroxychloroquine (lire aussi page 21). Mais ce sont les soignants anonymes que la France applaudit tous les soirs, à 20 H, pendant la première vague.

Ministres sur le gril

L'onde de choc n'épargne pas l'exécutif. Dès l'été se constituent des commissions d'enquête parlementaire pour disséquer les défaillances dans la gestion de crise. Masques, tests, confinement, EHPAD, communication : ministres, agences et administrations seront sur le gril. Côté gouvernance, les agences régionales de santé (ARS) concentrent les critiques pour leur manque d'agilité dans la réorganisation sanitaire ou la logistique. En revanche, les élus locaux – notamment les maires – prennent volontiers la main dans la gestion de crise ; et sur le terrain les soignants eux-mêmes accélèrent les coopérations ville/hôpital.

Ces premiers mois de crise laissent des traces : en juillet, notre journal publie les résultats d'une enquête de Res Publica auprès d'un millier de médecins, renvoyant l'image de professionnels de santé mécontents, personnellement ébranlés, et sévères sur le pilotage de la crise par les autorités.

Résilience

Après un été où le virus circule – à bas bruit, mais de plus en plus — la rentrée est éprouvante. Alors que l'épidémie repart rapidement à la hausse, avec de nouvelles tensions en réanimation, le ministère voit sa nouvelle stratégie de dépistage de masse entravée par la saturation des laboratoires. Les files d'attente s'allongent, les résultats sont rendus tardivement. L'application Stop-Covid est un flop total. 

Redoutée, la deuxième vague se révèle d'une violence redoutable mais plusieurs leçons de la première sont tirées. Plus question de stopper les opérations non urgentes ou de reporter les consultations de suivi des patients chroniques. Côté établissements, les cliniques sont davantage sollicitées. Le gouvernement déploie sa stratégie « tester, alerter, protéger » et les tests antigéniques se généralisent en complément des RT-PCR qui demeurent la référence. Mais avec une personne hospitalisée toutes les minutes et une personne admise d'urgence en réanimation toutes les sept minutes, la bataille est loin d'être gagnée à la fin de l'automne.

Fin 2020, tous les espoirs se tournent vers les vaccins. Alors que la France a précommandé 200 millions de doses, le gouvernement annonce une stratégie qui donne la priorité aux personnes à risque de formes graves. Les premières vaccinations pourraient intervenir dès la dernière semaine de décembre. « Le début de la campagne ne va pas marquer la fin de l'épidémie », prévient Jean Castex le 16 décembre. Une façon de prévenir que l'onde de choc n'est pas terminée. 


Source : Le Quotidien du médecin