Vu par le Dr Hervé Maisonneuve

La science ouverte améliore la qualité et l’impact de la science

Publié le 01/07/2022
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VU PAR LE Dr HERVÉ MAISONNEUVE - C'est un des héritages positifs de ces années Covid. La science ouverte est une excellente initiative. Chercheurs, institutions, dirigeants s’engagent avec l’objectif de partager les données et codes sources des expérimentations. La démarche est ambitieuse : partager les données des malades est complexe. Va-t-on évaluer la recherche à l’aune des pratiques en science ouverte ? Ce serait raisonnable.

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Sur son site, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche précise : « La science ouverte est la diffusion sans entrave des résultats, des méthodes et des produits de la recherche scientifique. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique pour développer l’accès ouvert aux publications et – autant que possible – aux données, aux codes sources et aux méthodes de la recherche. » Dans ce cadre, des chercheurs (physiciens, informaticiens, ingénieurs) manipulent et échangent aisément des bases de données.

Mais est-ce possible dans tous les domaines de la science ? Partager des données provenant de malades est plus difficile. Et il faudra du temps pour que les chercheurs changent leurs pratiques.

Le meilleur du processus

Dans cette nouvelle logique, le partage des données remplace la compétition entre chercheurs par la collaboration. C’est souhaitable, bien que la première soit source d’innovation, mais aussi de pratiques douteuses.

La Covid-19 a accéléré le développement de la science ouverte. Les chercheurs ont échangé sans réserve et rapidement leurs données pour étudier le génome des virus. Tous les articles Covid-19 ont été mis en accès libre par les revues. Est-ce un rêve qui se poursuivra ?

Au-delà, d'autres arguments militent pour une approche ouverte. Les citoyens payent la recherche publique (impôts) et privée (achats de médicaments par exemple). Le citoyen-payeur devrait avoir accès aux résultats des recherches qu’il finance. Les institutions ont incité l’accès libre des articles : le modèle économique des revues scientifiques change. Les revues seront financées à terme par des institutions publiques (Wellcome trust au Royaume-Uni), par des structures privées (fondation Gates), ou par les auteurs payant des frais à l’acceptation de leur article. Les abonnements auront peut-être bientôt disparu.

Les difficultés de la démarche

Cependant, la science ouverte a aussi un coût. Les chercheurs des pays en voie de développement, de petites équipes de recherche peu financées, n’ont pas les moyens pour la science ouverte. Au point qu'on peut se demander : faut-il moins de projets mieux financés (science lente) ?

En outre, il faut bien admettre que les articles en accès libre sont consultés essentiellement par des citoyens avertis (environ 2/3 des « lecteurs »). En temps réel, il est possible de savoir quels tweets, blogs ou réseaux sociaux évoquent un article. Est-ce un progrès ? Et puis, l’ouverture a conduit à de rares cas où des familles ont appris des informations qui leur avaient été cachées. Un article de la revue Thorax ne citait ni les initiales, ni le nom d’un malade. Il contenait cette information : « Un homme de 61 ans, joueur de cornemuse a été hospitalisé en avril 2014 dans le service des maladies pulmonaires interstitielles de notre hôpital pour une toux sèche durant depuis 7 ans et des difficultés respiratoires limitant la marche à 20 mètres ». Dans ce cas, l’anonymat est-il un leurre ?

Enfin, le partage des données ne marche pas si bien. Les principes FAIR veulent dire plusieurs choses. Premièrement, Facile à trouver : chaque fichier est décrit par des métadonnées bibliographiques, les affiliations des auteurs, et d’autres identifiants facilitant la recherche. Deuxièmement Accessible : stockage durable et lisibilité à long terme. Troisièmement Interopérable : langages et formats ouverts, avec des échanges entre systèmes informatiques. Et enfin, Réutilisable : partage sous réserve de citer la source.

Faut-il évaluer la recherche sur ce critère ?

Pour les organisations internationales et universitaires, la réponse est oui. L’UNESCO engage ses Etats-membres à développer la science ouverte : « S’appuyant sur les principes essentiels de la liberté académique, de l’intégrité de la recherche et de l’excellence scientifique, la science ouverte établit un nouveau paradigme qui intègre dans l’entreprise scientifique des pratiques de reproductibilité, de transparence, de partage et de collaboration résultant de l’ouverture accrue des contenus, des outils et des processus scientifiques. L’Union européenne (appel de Paris en février 2022), les Universités, agences de financement, dirigeants de structures de recherche s’engagent eux aussi dans la science ouverte.

Dans ce contexte, la question demeure ouverte : est-ce que la science ouverte est une science responsable sans pratiques douteuses ? Si oui, évaluons la recherche sur l’adoption de la science ouverte. Nombreuses sont les déclarations pour abandonner des évaluations sur la quantité des publications et des citations, mais ne faisons aucun pronostic sur l’avenir.

Exergue : Tous les articles sur le Sars-CoV-2 ont été mis en accès libre par les revues. Est-ce un rêve qui se poursuivra ?

Dr Hervé Maisonneuve

Source : Le Quotidien du médecin