Déjà l'heure du bilan ?

Le ministère défend les avancées du quinquennat santé

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Publié le 04/06/2021
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Reste à charge zéro, innovation organisationnelle, Ségur, Sécu : à un an de l'élection présidentielle, les directions pilotes du ministère de la Santé et de Bercy ont défendu et illustré leur bilan d'étape, dans le cadre du « Printemps social de l'évaluation ».
Jean Castex et Olivier Véran, à la rencontre du personnel hospitalier, à Tours, le 2 avril. Ils avaient annoncé une enveloppe de 165 millions d'euros pour le CHRU

Jean Castex et Olivier Véran, à la rencontre du personnel hospitalier, à Tours, le 2 avril. Ils avaient annoncé une enveloppe de 165 millions d'euros pour le CHRU
Crédit photo : AFP

De la réforme du reste à charge zéro au « Ségur », en passant par les nouveaux modes de financement ou les vaccins obligatoires des enfants : depuis 2017, les réformes santé se déploient sur de nombreux fronts – même si la gestion de crise sanitaire a envahi les agendas depuis un an. C’est en tout cas ce que les directeurs des administrations pilotes du ministère de la Santé (DSS, DGOS), de Bercy ou de l'Assurance-maladie se sont employés à démontrer, face aux députés de la commission des affaires sociales, dans le cadre du printemps de l'évaluation

Un Ségur qui se décline… 

Depuis les accords de juillet 2020, le Ségur de la santé, qui visait d'abord à répondre aux revendications salariales des personnels après des années de sous-investissement dans les hôpitaux (et une très forte mobilisation dans la crise), a « bien avancé », estime Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins (DGOS).

La concrétisation du premier « pilier » (revalorisations indiciaires, réévaluation des grilles de carrière pour les personnels médicaux et non médicaux) se poursuit au rythme des nouveaux accords (secteur social et médico-social, privé non lucratif) ; le deuxième grand volet portant sur les investissements hospitaliers avance également à bon rythme avec des centaines de millions d'euros alloués (Cosne-Cours-sur-Loire, Tours, Bordeaux, Nancy, Caen, Saint-Malo, etc.). Des pages se tournent : exit le COPERMO, symbole d'un pilotage national budgétaire, place à un conseil national de l'investissement en santé (CNIS), chargé de définir les orientations stratégiques dans une démarche plus collégiale et transversale.  

D'autres chantiers ont été retardés. Côté financement, les réformes promises de la psychiatrie et du secteur SSR ont été décalées à 2022 à cause de la crise sanitaire, a rappelé Katia Julienne. Mais des projets de décret sont attendus « dès cette année ». La réforme du financement des urgences, basée sur une dotation populationnelle, est en cours et s’échelonnera sur l'année.

Dans le cadre de la loi de transformation du système de santé (juillet 2019), trois ordonnances ont été publiées. Elles visent à labelliser les hôpitaux de proximité (lire aussi page 20), à alléger le régime d'autorisations d’activités et d'équipements lourds et à faciliter l'exercice coordonné au sein des CPTS et des maisons de santé. La recertification périodique des professionnels de santé est aussi annoncée – la concertation se finalise avec les Ordres et les conseils nationaux professionnels (CNP).

Le 100 % Santé prend du galon

La réforme du 100 % Santé – qui se décline depuis 2019 – a atteint son premier objectif, consistant à réduire les restes à charge en audiologie, optique et dentaire. Selon les données présentées par les députés, l'impact est particulièrement fort en dentaire (52 % de taux de recours pour le panier 100 % Santé, supérieur à l'objectif de 40 %), tout comme pour les aides auditives (taux de recours de 35 %). En optique, le bilan est plus mitigé : les équipements sans reste à charge concernent seulement 17 % des verres simples et 10 % des montures (pour un objectif de 20 %). Faute de données, l’impact de cette réforme reste compliqué à évaluer sur le renoncement aux soins, la prévention ou encore le coût pour les complémentaires (celui de l’Assurance-maladie est estimé à 755 millions d'euros par an).

Quant à l'application du tiers payant par les mutuelles et assurances dans le cadre de cette réforme (obligatoire pour 2022), elle peine à s'imposer. « Aujourd'hui le taux de tiers payant est de 80 % sur l'optique, 50 % sur l'audioprothèse et plus bas sur le dentaire », précise Franck Von Lennep, directeur de la Sécurité sociale (DSS). Des travaux sont en cours pour doper ces taux sur l'audioprothèse et le dentaire.

Les petits pas de l'article 51 

Libérer et valoriser les initiatives innovantes issues du terrain : c'était l'une des mesures très macronistes de la loi de financement de la Sécu 2018 (article 51). Trois ans après, Natacha Lemaire, rapporteure générale du conseil stratégique, est affirmative. « Nous avons trouvé notre public, même si l'année 2020 a été un peu bouleversée par la crise sanitaire avec un nombre de projets déposés moindre et un délai d'instruction des dossiers rallongé ». À la fin de 2020, un peu moins de 900 projets d'expérimentation avec financements dérogatoires ont été déposés mais seulement 90 autorisés.

Ces innovations organisationnelles couvrent les priorités gouvernementales comme la lutte contre l'obésité, la santé mentale, le cancer ou les personnes âgées, avec une prédominance pour le financement à l'épisode de soins pour rémunérer les équipes. Les projets embarquent des outils numériques (télémédecine, dispositifs médicaux) mais peu de médicaments. Même si la dynamique est « enclenchée », le député médecin Marc Delatte (LREM, Aisne) pointe plusieurs difficultés : lourdeur d'instruction des dossiers, manque de visibilité quant aux échéances et aux délais, complexité du cahier des charges. Pour les porteurs de projets, Natacha Lemaire souhaite rendre le dispositif plus « lisible », « accessible » et « rapide ». « Nous avons à cœur de nous améliorer sur ce front », dit-elle.

Vaccination obligatoire : 90 % de la cible couverte

L'extension de l'obligation vaccinale prônée par l'article 49 de la LFSS 2018 avait fait l'objet de vifs débats au Parlement. Huit vaccins avaient été rendus obligatoires (coqueluche, rougeole-oreillons-rubéole, hépatite B, Hæmophilus influenzae b, pneumocoque, méningocoque C) – en plus de la diphtérie, du tétanos et de la poliomyélite – chez l'enfant de moins de deux ans et exigés pour l'admission en collectivité. Trois ans après, Maurice-Pierre Planel, directeur général adjoint de la DGS, fait part d'une amélioration de la couverture vaccinale chez les enfants concernés. « On tend vers une population couverte de l'ordre de 90 % », précise-t-il, rappelant que l'objectif fixé est de 95 % en 2022. L'évolution de l'opinion serait également « positive ». « 50 % des Français avaient une image négative de cette mesure en novembre 2017, rappelle-t-il. Ils sont 32 % aujourd'hui. »

Marie Foult et Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin