Grandes manœuvres

Le Parti socialiste affûte son programme santé pour 2022

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Publié le 19/03/2021
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En vue de la prochaine élection présidentielle, le Parti socialiste a dévoilé ses premières propositions en matière de santé. Au menu : prévention tout au long de la vie, extension du 100 % Sécu, conventionnement sélectif, investissement massif sur la psychiatrie et première génération sans tabac !

Crédit photo : AFP

L’élection présidentielle est un marathon et le Parti socialiste l’a compris.

À plus d’un an de l’échéance, le Parti de la rose dévoile, épine par épine, son plan de bataille pour 2022. C’est dans ce cadre qu’il vient d’organiser une soirée thématique en visioconférence sur les réseaux sociaux sur le thème porteur de la santé. Objectif, dévoiler et tester une série de pistes programmatiques. Jusqu’en août – et l’élaboration de la plateforme du PS – ces « Live du projet » auront lieu une fois par mois. Début février déjà, une première session s’était concentrée sur la question du travail.

Société du soin

« Une politique globale de la santé au service d’une société du soin » : telle est l’ambition affichée par les cadres du PS dans un premier document de 40 pages et 12 mesures soumis aux adhérents. La crise sanitaire a montré que « la santé est une préoccupation première des Français », cadre le député Boris Vallaud, aux manettes du projet. L’élu des Landes appelle à cet égard à tirer les leçons de l’épidémie de Covid-19 pour « dessiner un nouvel horizon autour du prendre soin ».

En l’état, le projet, fidèle aux valeurs de la gauche, repose sur deux jambes principales : la santé publique et la prévention d’un côté, l’égalité et la qualité d’accès aux soins de l’autre. « La crise a mis au jour nos vulnérabilités : celles de nos hôpitaux, de nos industries médicales, mais aussi de nos organisations », avance le parlementaire investi de longue date sur la politique sanitaire. Il met en avant la nécessité de « réduire l’écart d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier » mais aussi d’accroître « l’espérance de vie en bonne santé ».

Découlent de cette ambition plusieurs mesures visant à renforcer la prévention tout au long de la vie (revalorisation de la santé scolaire et de la médecine universitaire, de la PMI, de la médecine du travail) ; à lutter contre les facteurs de risques (la santé environnementale est placée au premier rang des urgences avec la création d’un Green data hub chargé de collecter les données d’exposition) ; ou à développer toutes les modalités de dépistage. Le PS propose de faire du sport-santé une priorité nationale à l’issue de la crise. Et il vise « une génération sans tabac dans 10 ans ».

La psychiatrie, grande cause du quinquennat ?

S’il parvient à reconquérir l’Élysée en 2022, le PS promet de faire de la santé mentale la « grande cause du quinquennat ». « La situation est catastrophique, la souffrance psychique des Français s’est aggravée » avec l’épidémie et « les mesures du gouvernement sont insuffisantes notamment financièrement », explique le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre chef de service à Henri-Mondor et adjoint au maire PS de Créteil (Val-de-Marne), lui aussi impliqué dans le projet.

À la faveur d’une loi-cadre de refondation, le budget dédié au secteur de la psychiatrie serait augmenté de « 10 % en cinq ans » pour doper les effectifs de soignants, améliorer les conditions de travail et créer des structures innovantes. Au menu, la hausse du salaire des infirmières, un diplôme de soins infirmiers spécialisés en psychiatrie (à l’instar des IADE et des IBODE) et le remboursement par la Sécu des consultations de psychologues pour des objectifs de psychothérapie. Jusqu’à 20 000 nouvelles places d’hébergement adapté au handicap psychique (maisons d’accueil, foyers médicalisés) doivent mettre fin aux hospitalisations de très longue durée. « La manière dont un pays traite la santé mentale est un très bon marqueur de son état social et sociétal », éclaire le Dr Claude Pigement, ex-monsieur santé du PS et invité en qualité de grand témoin.

Un parfum de la coercition

L’autre gros dossier que le PS veut prendre à bras-le-corps est celui de l’accès aux soins (à la fois géographique et financier).

S’agissant des déserts médicaux, les responsables se donnent « dix ans » pour régler le problème. Au-delà des recettes classiques, comme le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), plusieurs mesures vont clairement dans le sens d’une remise en cause de la liberté d’installation. Ainsi, pour les nouveaux étudiants, le PS veut instaurer une « obligation d’installation aidée de cinq ans » dans des territoires sous-dotés, « selon des règles à définir avec les doyens, les ARS et les organisations professionnelles et étudiantes ». Parallèlement, il est envisagé un conventionnement sélectif interdisant l’installation des praticiens libéraux en secteur II « dans les territoires surdotés en médecins de la même spécialité ». Des propositions souvent défendues par des élus ruraux mais assumées aujourd’hui par le premier secrétaire : « Il faut partager la charge de travail dans les déserts », juge Olivier Faure. Autre mesure, la création de 1 000 postes de généralistes salariés, financés par l’État ou les collectivités, affectés dans les déserts (environ 10 praticiens par département).

Tiers payant généralisé, le retour ?

Côté financier, le projet fait le constat que les dispositifs actuels (CMU, PUMA, 100 % santé, tiers payant partiel) n’ont pas levé, loin s’en faut, les obstacles pécuniers. D’où la volonté socialiste de « repousser les frontières de la Sécu ». En plus de vouloir à nouveau « avancer dans la généralisation du tiers payant pour les soins de ville », le programme prévoit l’instauration d’un panier de prévention et de soins remboursé à 100 % par l’Assurance-maladie obligatoire, à l’issue d’un débat démocratique. Les dépassements d’honoraires « excessifs » seraient « encadrés », peut-on lire.

À l’échelle macroéconomique enfin, l’ex-député socialiste Jérôme Guedj propose de sanctuariser les ressources de la Sécu grâce à une « CSG progressive », étape vers une fusion avec l’impôt sur le revenu. Le projet supprime certaines franchises médicales (sur les médicaments, analyses de biologie et actes paramédicaux). Pas question en revanche de réformer l’aide médicale d’État (AME) en réduisant son panier de soins.

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin