Dans les entreprises, des injections au compte-gouttes

L'équation compliquée de la vaccination des salariés

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Publié le 28/05/2021
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Cible longtemps trop restreinte, méfiance autour de l'AstraZeneca, manque de doses, la vaccination par les médecins du travail n'a pas convaincu les salariés. Seuls les services à destination des hôpitaux et des Ehpad ont tiré leur épingle du jeu.
Actuellement, environ 63 000 personnes ont été vaccinées dans les services de santé au travail

Actuellement, environ 63 000 personnes ont été vaccinées dans les services de santé au travail
Crédit photo : Phanie

Autorisés à administrer les vaccins Covid depuis le 25 février, les services de santé au travail s'attendaient à prendre pleinement part à cet effort national. Sur le papier, l'opportunité était belle : permettre à un nombre considérable de salariés de recevoir une injection dans l'un des quelque 255 services de santé au travail répartis sur le territoire.

Las, sur le terrain, les salariés ont boudé cette possibilité, lorsqu'elle leur était offerte. « Nous avons vacciné environ 400 personnes en trois mois, ce qui est un rendement assez faible au vu du temps passé à organiser un centre de vaccination dans nos locaux, en plus de notre activité habituelle », témoigne le Dr Pascal Fauchart, médecin du travail au SEST, qui regroupe huit centres médicaux en région parisienne. Le CIAMT, chargé de suivre 29 000 TPE en Île-de-France, soit plus de 400 000 salariés, recensait 500 rendez-vous de vaccination honorés via la plateforme AvecMonDoc…

Avec une cible longtemps restreinte – plus de 55 ans –, les services de santé au travail ont pâti de la polémique sur les rares cas de thromboses liées au vaccin AstraZeneca, souligne le directeur général du CIAMT, le Dr Vinh Ngo. « Jusqu'à récemment, c'était le seul vaccin disponible pour nous, comme dans les cabinets. Sa suspension en mars a refroidi du monde ! Une part des rendez-vous pris n'ont pas été honorés », regrette-t-il.

D'autres aléas ont compliqué la donne. « Au début, nous n'avions pas assez de doses, elles étaient dirigées en priorité vers les médecins de ville, souligne le Dr Fauchart. Puis avec l'élargissement des vaccinateurs, les salariés sont allés plutôt à la pharmacie en bas de chez eux, dans un vaccinodrome ou en centre, surtout s'ils sont en télétravail. »

Montée en puissance ?

Résultat, alors que plus de 21 millions de Français avaient reçu au moins une première dose, les médecins du travail en étaient à quelque 520 000 injections seulement – dont environ 63 000 dans les services de santé au travail. Un piètre résultat qui a irrité à la fois le Medef et la CFDT, les deux centrales exhortant début mai le gouvernement à accélérer la vaccination en entreprise avec un élargissement des critères d'éligibilité. « Le potentiel est énorme », ont-ils plaidé. 

Alerté, le ministère du Travail a annoncé le déblocage de 100 000 doses supplémentaires d’AstraZeneca, l'élargissement aux autres vaccins (28 entreprises devaient recevoir du Moderna cette semaine) et un circuit d'approvisionnement « plus direct et simplifié ». Objectif : permettre enfin à la vaccination des salariés « de monter en puissance », en même temps que l'ouverture de la vaccination à tous les adultes. 

Les hôpitaux mieux lotis

Face à ces difficultés logistiques, les médecins du travail des services interentreprises ont de quoi envier leurs homologues du secteur hospitalier – en CHU ou dans les hôpitaux locaux. Chargés de vacciner les personnels des établissements dès janvier, ils tournent, eux, à plein régime. Au centre hospitalier d'Agen (Lot-et-Garonne), près de 70 % des 2 000 agents de l'hôpital avaient reçu au moins une injection mi-mai. « S'il y a pu avoir des réticences au début, elles se sont dissipées. Nous nous sommes adaptés aux horaires des personnels avec des créneaux le week-end ou pour les personnels de nuit, et nous avons désormais un bon taux de couverture », se réjouit la Dr Elena Adina Rodriguez, médecin du travail au CH. Même dynamique au CHU de Lille, où près de 10 500 personnels (sur 16 000) avaient reçu au moins une première dose. « Nous devrions arriver à la totalité des agents pour le début de l'été, assure la Pr Annie Sobaszek, chef du pôle de santé publique (dont la médecine du travail). Les agendas sont remplis et nous n'avons quasiment pas eu de doses perdues. »

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin