Présidentielle 2022

Nathalie Arthaud (LO) : « Je suis pour l’abolition de la T2A »

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Publié le 04/03/2022

Droite dans ses bottes, la candidate de Lutte ouvrière fustige la gestion de la crise sanitaire, l'obligation vaccinale des soignants et la T2A. Elle s'interroge sur la liberté d'installation, propose l'indexation de la rémunération des médecins sur l'inflation et veut exproprier les laboratoires pharmaceutiques.

Crédit photo : AFP

LE QUOTIDIEN Depuis deux ans, la France lutte contre la Covid. Comment jugez-vous la gestion de cette crise ?

NATHALIE ARTHAUD Avec la crise sanitaire, l’État a étalé son cynisme et son impuissance : soignants envoyés au front sans moyen, mensonges sur les masques, refus de réquisitionner les moyens de production et de faire contribuer financièrement la bourgeoisie… Les bénéfices avant impôts 2021 des trois groupes pharmaceutiques producteurs de vaccin contre le Covid-19 se sont chiffrés à 34 milliards de dollars. Durant l’année 2021, les seules entreprises du CAC 40 ont réalisé 137 milliards d’euros de profits. L’État a garanti les affaires des capitalistes à coups de dizaines de milliards et il continue de le faire avec ses plans de relance. Macron est ainsi dans la continuité des gouvernements précédents. En même temps, il a aussi continué à faire fermer des lits dans les hôpitaux l’an dernier.

Êtes-vous pour l'obligation vaccinale des soignants ?

Le gouvernement a systématiquement cherché à rendre la population responsable de la persistance de l’épidémie, afin de masquer ses propres responsabilités ainsi que celle de ses prédécesseurs. L’obligation vaccinale des soignants a constitué une attaque révoltante contre ceux qui se sont dévoués pour soigner la population envers et contre tout. Nombre d’entre eux, même positifs au Covid et symptomatiques, ont d’ailleurs été poussés à venir travailler, faute de personnel suffisant. Les 100 000 morts du Covid ne sont pas la faute des hospitaliers, mais celle d’un système qui ne fonctionne que pour le profit immédiat au détriment des dépenses utiles à la population. Cette situation est dénoncée et combattue à de multiples reprises par les professionnels par des grèves et des manifestations.

Plus de 7 millions de Français vivent dans un désert médical. Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer l'accès aux soins ?

En dépit du remplacement du « numerus clausus » par le « numerus apertus », on reste très loin du compte. Le nombre d’étudiants entrant en études de médecine n’est qu’à peine supérieur à ce qu’il était dans les années 1970 et plus de la moitié des 114 500 médecins actifs aujourd’hui ont plus de 50 ans. Ce n’est donc pas avec quelques milliers d’étudiants en plus chaque année que la situation pourra être rétablie. Les médecins se forment grâce à l’argent public, il faudrait donc réfléchir à un système organisant leur répartition en fonction des besoins réels des populations et pas sur le simple critère du profit personnel, quitte à les aider pour leur installation. Faut-il les obliger à s’installer ? Je ne suis pas pour faire des médecins les boucs émissaires de la politique désastreuse de l’État, même si, comme pour les enseignants soumis à une obligation d’affectation, l’installation de jeunes médecins dans des zones prioritaires ne me choque pas.

Les généralistes français sont les moins bien payés que certains de leurs confrères européens. Faut-il revaloriser la consultation de base ?

Comme je suis pour l’augmentation générale des salaires de tous les travailleurs, la rémunération des médecins devrait être également indexée sur l’inflation. Néanmoins, pour moi, le vrai frein à la hausse du nombre de médecins ne réside pas dans la faiblesse des honoraires – comme le montre le très grand nombre de jeunes qui souhaitent démarrer une formation médicale – mais dans celle des moyens consacrés à la formation.


Malgré le Ségur de la santé, l'hôpital public va toujours mal. Que proposez-vous pour améliorer son attractivité ?

La mise en place de la T2A répond à l’objectif commun à tous les gouvernements depuis 50 ans qui est de freiner les dépenses de santé, malgré l’augmentation du nombre de personnes âgées. Son application a frappé de plein fouet les finances des hôpitaux publics, les a contraints à l’endettement, les livrant aux griffes des institutions financières. C’est un exemple emblématique du type de politique qui a conduit le système sanitaire à ne plus être en mesure de fonctionner correctement, même en dehors de toute crise sanitaire. Comme de nombreux soignants, je suis pour l’abolition de la T2A et un fonctionnement basé sur l’évaluation du coût nécessaire pour répondre aux besoins de soins.

Pensez-vous que les médecins subissent l'influence des laboratoires pharmaceutiques dans leur prescription ?

Aujourd’hui, avec les réseaux de visite médicale et des collaborations diverses, l’industrie cible de préférence les médecins spécialistes les plus connus qui font référence et peuvent influencer les pratiques de leurs confrères. Les étudiants en médecine sont aussi une autre cible privilégiée des firmes. Comme pour tous les secteurs industriels, la seule solution serait dans la levée du secret industriel et bancaire et, en fin de compte, sous le contrôle des salariés qui y travaillent, l’expropriation sans indemnité ni rachat de ces groupes qui vivent déjà sous perfusion d’argent public.


Source : Le Quotidien du médecin