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Dossier

Après la vague verte aux élections municipales

Quels choix de santé pour les villes écologistes ?

Par Sabrina Moreau - Publié le 02/10/2020
Quels choix de santé pour les villes écologistes ?

Grégory Doucet (Lyon), Pierre Hurmic (Bordeaux), Anne Vignot (Besançon), Emmanuel Denis (Tours), Michèle Rubirola (Marseille), Jeanne Barseghian (Strasbourg)
AFP

Aux dernières municipales, Europe Écologie - Les Verts (EELV) a raflé huit communes de plus de 100 000 habitants. Quel est le fil rouge écolo en matière de politique municipale de santé ? « Le Quotidien » a enquêté auprès des nouvelles équipes, mais aussi dans les « villes-labo » – Grenoble, verte depuis six ans, et Paris ou socialistes et écologistes cogèrent la capitale.

Avec le tour de France « machiste et polluant » de Grégory Doucet (Lyon) et le « sapin de Noël, un arbre mort » de Pierre Hurmic (Bordeaux), les premiers éclats politiques des maires EELV n'auront pas tardé !

Trois mois après la vague verte aux municipales 2020, qui a vu EELV s'emparer des manettes de Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Besançon, Tours, Annecy et Grenoble – sans compter quelques dizaines de villes moyennes et petites – les premiers magistrats écologistes goûtent aux joies de leur nouveau poids politique. Leur pionnier Éric Piolle, maire de Grenoble depuis 2014, avait donné le ton début juillet, en affirmant que la 5G serait tout juste utile pour le « porno dans l'ascenseur en HD ».

« Modèle Amish » ou nouvel humanisme ? 

Après qu'Emmanuel Macron a accusé les écolos de vénérer le « modèle Amish », la passe d'armes a trouvé écho dans le discours de Julien Bayou, secrétaire national d'EELV, lors du conseil fédéral des 19 et 20 septembre. « Oui, parfois nous bousculons et interrogeons les choses établies », a-t-il assumé.

Et le leader des Verts de souligner la distinction entre certains propos écolos de salon et les politiques réellement conduites sur le terrain. « J’ai vu la droite se découvrir une passion pour l’écologie, mais en soutenant les pesticides, voulant détruire les corona-pistes de vélo, continuant à soutenir les énergies fossiles, la voiture ! », énumère Julien Bayou. La bataille des néonicotinoïdes sera « un autre indicateur assez sûr de qui est réellement écologiste et qui se contente de verdir son discours ». 

La santé, ce n'est pas que le soin

Du point de vue des mesures concrètes, les politiques locales de santé auront valeur de test grandeur nature pour les édiles écolos. Et les villes vertes se savent d'abord attendues au tournant sur le dossier central de l'environnement. La définition large de l'OMS constitue ici une feuille de route. « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine [...] déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement [...]. » 

« La santé, ce n'est seulement le soin, lorsqu'on est déjà malade », illustre le maire de Grenoble Éric Piolle (lire page 3). A l'heure où 5 à 10 % des cancers en France seraient imputables à l'environnement, Eva Sas, porte-parole d'EELV, confie au « Quotidien » que les communes « ont un rôle capital de santé environnementale ». Il s'agira d'être aux avants-postes sur les sujets de prévention et de santé publique. Et la pandémie actuelle, qui questionne notre rapport aux animaux, a fortifié la conviction des élus écologistes : la santé des hommes et des femmes est intimement liée à leur environnement. 

« 100% cyclable, 100 % marchable »

Dans les villes EELV, ce credo se décline à l'infini. Mais avec des constantes : diminuer drastiquement la voiture au profit du vélo et de la marche figure au premier rang des priorités des municipalités vertes – puisque tout autant que le sport est bon pour la santé, les particules fines sont nocives. Ce n'est pas un hasard si, à Lyon, Grégory Doucet promet déjà une ville « 100 % cyclable » et «100 % marchable ». Ce sont au total des centaines de millions qu'investiront les élus pour de nouvelles pistes cyclables. 

L'agrandissement des espaces verts est le corollaire immédiat. « Résider à moins de 15 minutes d'un espace vert améliore la santé cardiovasculaire », martèle Anne Souyris, adjointe EELV chargée de la santé publique à la maire de Paris. Chaque commune valorise son plan verdissement : 30 000 arbres à Tours, 200 000 à Poitiers et sur son intercommunalité, des forêts urbaines de 3 à 5 hectares à Lyon…

Au-delà, chaque cité verte affiche très haut des priorités de santé environnementale et les hiérarchise à sa façon – soutien à l'agro-écologie, chasse aux perturbateurs endocriniens et aux pesticides, bio à la cantine, air intérieur, saturnisme, bruit... 

Santé universelle 

Une autre trame se dessine. Pour nombre d'élus verts, la santé se doit d'être si possible gratuite et universelle. Dans ce contexte, les plus démunis et les publics considérés comme vulnérables sont la cible privilégiée des politiques de santé et d'accès aux soins.  

Côté attractivité médicale, la sauce écolo allie deux impératifs, secteur I et regroupement (lire ci-contre). En découlent des mesures ciblées pour soutenir l'offre médicale aux tarifs opposables en centre-ville – où le foncier est devenu inaccessible – ou pour faciliter le stationnement des médecins libéraux. Quoi qu'il en soit, les maires EELV des grandes villes seront aux avant-postes d'une compétition territoriale à grande échelle.

Mais l'écologie « en action », à laquelle Yannick Jadot appelle, promet-elle de se démarquer ? La réponse est oui, à en croire le Dr Bernard Jomier, ex-adjoint EELV à la santé d'Anne Hidalgo, qui se défend de toute approche dogmatique. « Là où les communistes, par exemple, tendent à placer uniformément des centres municipaux de santé sur les zones mal dotées, les écologistes diversifient leurs réponses, assure-t-il, et privilégient le cas par cas, en écho aux aspirations des professionnels comme des besoins locaux. »