Éditorial

Un rebond en trompe-l’œil

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Publié le 15/07/2022

L’an passé a-t-il été un exercice si faste pour les praticiens libéraux ? La publication par « Le Quotidien du médecin » — comme chaque année à pareille époque — des toutes premières estimations fiscales des AGA suscitera forcément le débat cette année, parmi nos lecteurs et au-delà dans le monde syndical. Car les chiffres que nous révélons renvoient à des évolutions de revenus franchement positives pour la profession en 2021 : la quasi-totalité des spécialités sont dans le vert, avec souvent des taux de progression de recettes à deux chiffres et une évolution des bénéfices supérieure à 5 % pour la plupart. La médecine générale étant, une fois n’est pas coutume, une des mieux placées. La performance apparaît d’autant plus étonnante que 2021 a été une année sans revalorisations pour les praticiens de ville.

Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur permet pourtant de remettre les choses dans leur vrai contexte. En se rappelant d’abord que l’exercice précédent avait été exécrable : les salles d’attente des libéraux, mais aussi des cliniques se vidant littéralement lors du premier semestre 2020, pour cause de Covid, pendant que tous les regards se portaient avec anxiété sur des services hospitaliers en surchauffe. Cette situation, ô combien paradoxale, s’était traduite par un recul très fort de l’activité des médecins libéraux et par voie de conséquence de leurs recettes. Les indemnités pour perte d’activité octroyées par la Cnam (le fameux Dipa) ne compensant qu’en partie seulement le reflux des patients. Les résultats de 2021 doivent donc être interprétés en tenant compte du repli historique de 2020. Autrement dit, les médecins partaient de si bas que la reprise, effectivement constatée en 2021, s’en trouve mécaniquement amplifiée.

Cette embellie n’a à l’évidence pas éteint la soif de revalorisations du médecin de terrain. Et d’abord parce qu’elle repose pour l’essentiel sur un surcroît de travail, plus subi que souhaité par la base. Le cri d'alarme lancé dans ce numéro par la présidente de l'URPS ML Île-de-France est révélateur de l'insatisfaction des praticiens. Les syndicats l’ont bien compris, qui ne semblent pas prêts à mettre leurs exigences dans leur poche. Ils ont obtenu, c’est vrai, quelques acquis tarifaires en avril dernier. Mais globalement, l’avenant 9 a été jugé décevant, même par ceux qui l’ont signé. Ils le savent : il faudra faire plus que transformer l’essai pour satisfaire les espérances de leurs mandants. Les négociations sur la future convention 2023, qui vont s’ouvrir à la rentrée, sont donc très attendues. Un des enjeux sera de valoriser l'expertise médicale, en compensation des délégations de compétences opérées. Selon le positionnement de chacun, certains syndicats penchent pour une hiérarchisation plus accentuée des consultations, d’autres réclament l’extension des forfaits. Dans tous les cas, le but est de recentrer la profession sur son cœur de métier. Il faudra des moyens pour cela. Le budget 2023 de la Sécu qui sera annoncé au moment où débuteront les négociations devrait donner le la.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin