Modélisation de patients virtuels dans les blocs

La médecine in silico se cherche un avenir européen

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Publié le 13/09/2018
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Crédit photo : Avicenna

La médecine in silico va-t-elle faire une entrée fracassante dans la santé ? Après la médecine in vitro et in vivo, des experts veulent démocratiser cette technologie fondée sur la simulation numérique et les algorithmes mathématiques. Ils appellent la Commission européenne à encadrer cette pratique pour lui donner une base solide.

Couramment employé dans le secteur de l'aéronautique et du nucléaire, l'in silico consiste, en médecine, à créer des programmes informatiques qui reproduisent des procédés physiologiques ou mécaniques de l'être humain dans le but de tester des médicaments ou des dispositifs médicaux tout en limitant les essais cliniques.

Cette technique ouvre la voie à la médecine 4P : prédictive, préventive, personnalisée et participative. Les bienfaits de la simulation numérique se mesurent à plusieurs niveaux. « La simulation numérique ne présente pas de risques pour le patient, contrairement aux essais cliniques. Elle est moins longue à breveter et surtout moins chère », souligne Thierry Marchal, secrétaire général d'Avicenna Alliance, une association de plus de 500 experts internationaux missionnée par la Commission européenne sur le sujet.

Au CHU de Saint-Étienne, le Pr Jean Noël Albertini, chef de service de chirurgie cardiaque et vasculaire, et l'ingénieur Stéphane Avril ont lancé PrediSurge, une société de modélisation d'endoprothèse. L'idée est qu'un chirurgien cardiovasculaire réalise un plan d'opération avant chaque intervention sur le jumeau « virtuel » d'un patient modélisé en amont. « On reproduit les propriétés mécaniques de la paroi de l'aorte du patient et les composants de la prothèse », explique le Pr Albertini. De nombreux paramètres sont passés au peigne fin : taille et mouvement de la prothèse, pression sanguine, vitesse de flux, etc. « Aujourd'hui on peut prédire si le patient va développer des complications ou non, comme une fuite ou le pliage de la prothèse », ajoute Stéphane Avril.

Une étude européenne est en cours sur 200 patients. Les résultats préliminaires semblent encourageants. « En utilisant la simulation, on fait aussi bien que le processus traditionnel, reprend le Pr Albertini. Cela montre la fiabilité. Enfin, nous gagnons du temps ». Avant la simulation, trois semaines de préparation étaient nécessaires à l'élaboration d'une endoprothèse contre deux jours aujourd'hui. « Il fallait analyser le scan du patient, l'envoyer au fournisseur pour qu'il choisisse la taille de la prothèse, le diamètre, etc., puis qu'il fabrique le prototype de la prothèse et enfin que le chirurgien donne son accord et éventuellement qu'un deuxième prototype soit conçu après correction », détaille-t-il.

Barrières réglementaires

Le marché se heurte aux freins réglementaires. « Il n'existe pas de cadre européen réglementant les activités de médecine in silico et leur évaluation, on ne peut pas faire valider les innovations », regrette Thierry Marchal. L'évaluation est le seul moyen pour mesurer la valeur ajoutée d'une nouvelle technologie de santé par rapport à celles existantes. Elle permet de sonder l'effet thérapeutique, les effets secondaires, l'impact sur la qualité de vie, les moyens d'administration, les coûts financiers mais aussi l'impact sur l'organisation du système de santé.

Soutenu par la députée européenne belge Lieve Wierinck (OpenVLD), Avicenna Alliance réclame un cadre pour harmoniser les échanges de données nécessaires à l'évaluation des technologies de la santé. Il y a deux ans, une première initiative avait été menée sans succès.

À terme, l'objectif des spécialistes de la médecine in silico et de compléter ou remplacer les pré-essais cliniques longs et coûteux. « Ça permettrait aux patients d'accéder plus vite à l'innovation », conclut Thierry Marchal. 

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9685