Gain de mortalité dans CASTLE -AF

L'ablation pour FA défend sa place en cas d'insuffisance cardiaque

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Publié le 01/02/2018
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Est-il légitime de proposer une ablation dans la fibrillation auriculaire en cas d'insuffisance cardiaque (IC) ? À cette question jusque-là sans réel consensus, l'étude CASTLE-AF, présentée fin août à Barcelone au congrès de l'European Society of Cardiology (ESC) et publiée cette semaine dans « The New England Journal of Medicine », fait date.

« L'étude CASTLE-AF a le mérite d'être la première étude de grande ampleur à montrer un gain de mortalité avec l'ablation en cas d'IC, explique au « Quotidien » le Pr Jean-Yves Le Heuzey, cardiologue spécialisé en rythmologie à l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). Jusqu'alors, il n'y avait que de petits essais qui pouvaient laisser sceptiques ». 

Des bénéfices tangibles à 3 ans

Sur les 363 patients inclus parmi plus de 3 000 éligibles dans 33 sites en Europe, Australie et aux États-Unis, l'ablation s'est traduite au bout de 3 ans (suivi de 37,8 mois en médiane) par une baisse du critère principal composite associant décès toutes causes ou hospitalisation pour IC. Quand 51 patients étaient concernés sur les 179 du groupe ablation (28,5 %), le groupe traitement médical (=184) en totalisait 82 (44,6 %).

La mortalité toutes causes était moins élevée dans le groupe ablation (n=24, 13,4%) par rapport au groupe traitement médical (n=82, 44,6%). Les hospitalisations pour IC étaient elles aussi diminuées avec l'ablation (n=37, 20,7%) par rapport au traitement médicamenteux (n=66, 35,9%). 

Pour Le Pr Jean-Yves Le Heuzey, ces résultats importants ne vont pas vraiment bouleverser les pratiques. « On savait déjà que l'ablation pouvait améliorer les patients ayant une cardiomyopathie rythmique en IC, développe-t-il. Dans l'étude, ce sont des patients très triés, ayant une FA très rapide, paroxystique ou persistante qui n'ont pas répondu aux antiarrythmiques. Ils sont vraisemblablement en IC en raison de la FA ». Les FA persistantes de durée>1 an représentaient, dans l'étude, moins d'un tiers des cas dans chaque groupe. En corrigeant la cause, il y avait donc de bonnes raisons de penser améliorer les choses, explique le Pr Le Heuzey. 

La place de l'ablation dans la FA

La question de la poule et l'oeuf est reprise par le Dr Mark Link dans un éditorial, mais de façon un peu différente. « L'IC congestive et la FA coexistent souvent, écrit le cardiologue de Dallas. Plus de 50 % des patients qui présentent une récente IC congestive sont en FA ; à l'inverse, parmi les patients ayant une FA récente, près d'un tiers ont une IC congestive. Il est difficile de déterminer quelle est la cause et quelle est la conséquence, mais il semblerait logique qu'être en FA ne soit pas idéal pour les patients en IC congestive et que le maintien d'un rythme normal sinusal puisse améliorer le statut fonctionnel et possiblement réduise la mortalité dans cette population ».

Les dernières recommandations concernant l'ablation datent de 2014 de l'American Heart Association et de 2016 pour l'ESC. Pour le Dr Link qui parle de « changement de paradigme » dans son titre, il semble raisonnable dès à présent « d'être plus agressif en offrant l'ablation pour la FA chez les patients qui ont aussi une IC congestive ». Pour Pr Le Heuzey, le réel enjeu de l'ablation dans la FA va se jouer ailleurs. « La vraie attente depuis plusieurs années, c'est l'étude CABANA, explique-t-il. Ce gros essai de mortalité compare l'ablation versus les antiarythmiques chez des patients tout venant ayant une FA non traitée ou incomplètement traitée ». L'essai CABANA, qui a débuté en août 2009 et qui avait prévu d'inclure 2 200 patients d'ici fin 2017, a pris du retard. « Les résultats ne sont pas attendus d'ici 2019-2020 », estime le Pr Le Heuzey. 

 

 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9636