Le retour d'expérience en Chine

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Publié le 07/04/2020
Les soignants les plus affectés pourraient ne pas avoir participé

Les soignants les plus affectés pourraient ne pas avoir participé
Crédit photo : Phanie

L’expérience précoce de la Chine face au Covid-19, malgré les doutes exprimés sur la complète transparence des autorités, peut nous éclairer sur notre futur proche. Une étude mesurant l’impact de la crise sur la santé mentale des soignants pourrait nous permettre d’anticiper les dommages potentiels sur ces acteurs au cœur de la lutte contre l’épidémie.

Publiée dans le « JAMA » (1), l’enquête a été menée, du 29 janvier au 3 février, auprès de 1 257 soignants de 34 hôpitaux chinois (1 830 ont été sollicités). Un sentiment de détresse a été constaté chez 71,5 % des répondants, mais aussi des symptômes de dépression (50,4 %), de l’anxiété (44,6 %) et des insomnies (34 %).

Majoritairement âgés de 26 à 40 ans (64,7 %), les répondants, principalement des femmes (76,7 %), exerçaient à Wuhan (60,5 %), épicentre de l’épidémie, mais aussi dans la province de Hubei, dont Wuhan est la capitale, et dans d’autres régions de Chine continentale.

Les soignants en première ligne plus exposés

Ils occupaient des postes d’infirmiers pour 60,8 % d’entre eux (dont 90,8 % de femmes et 71,5 % avec un titre de « junior », soit seulement quelques années d’expérience), et 39,2 % étaient médecins. Certains d’entre eux (41,5 %) étaient en « première ligne » auprès des patients (diagnostic, traitement et soins).

Chez les infirmiers, les femmes, les soignants en première ligne et ceux travaillant à Wuhan, les symptômes étaient plus sévères, par exemple symptômes de dépression sévères chez 4,9 % des médecins et 7,1 % des infirmiers. De même, le sentiment de détresse était sévère chez 12,6 % des soignants de Wuhan et chez 7,2 % des soignants exerçant en dehors de la province de Hubei.

Des effets de long terme à surveiller

« Le nombre toujours croissant de cas suspects, la charge de travail écrasante, le manque d’équipements de protection individuelle, la couverture médiatique, le manque de médicaments spécifiques et le sentiment d'être insuffisamment soutenus peuvent contribuer au fardeau mental de ces soignants », commentent les auteurs.

Ces résultats corroborent les observations réalisées en 2003, pendant la première épidémie de SRAS, où des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression, mais aussi des peurs de la contagion et de la transmission de la maladie aux proches avaient été constatés. À l’époque, 89 % des soignants étaient à risque de développer des symptômes.

Les effets sur le long terme demanderont de nouvelles investigations, et ce d’autant que seuls 68,7 % des soignants sollicités ont répondu. Les soignants les plus affectés pourraient ne pas avoir participé.

(1) Jianbo Lai, et al., JAMA. 23 mars 2020. doi:10.1001/jamanetworkopen.2020.3976

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin