Le trouble du déficit de l'attention peut se déclencher à l'âge adulte

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Publié le 20/05/2016
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Le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui apparaît en général dans l'enfance et l'adolescence, pourrait aussi se déclencher à l'âge adulte, comme le suggèrent pour la première fois deux grandes études menées au Royaume-Uni et au Brésil publiées dans le « JAMA Psychiatry ».

« C'est une notion tout à fait nouvelle, explique le Dr François Bange, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. Jusque-là, l'idée prévalente était que le TDAH de l'adulte poursuivait celui de l'enfance et de l'adolescence. Même si le trouble n'avait pas été diagnostiqué auparavant, on pouvait retrouver à l'anamnèse des éléments évocateurs. »

 

Entre 15 à 20 % des enfants TDAH le restent adultes

 

À l'âge adulte, dans l'étude britannique, près de 70 % des sujets ayant un TDAH (n = 112/166) n'avaient pas présenté les critères du diagnostic dans l'enfance. Ces résultats sont confirmés dans une étude indépendante au Brésil, qui a retrouvé un chiffre encore plus élevé à 88 %. Les deux équipes ont tiré leurs observations de cohortes suivies une vingtaine d'années, plus de 2 000 jumeaux suivis pendant 20 ans (1994-2015) par les scientifiques du King's College de Londres et plus de 5 000 enfants au Brésil (1993-2012).

L'équipe britannique dirigée par le Pr Louise Arsenault montre par ailleurs que sur les 247 enfants diagnostiqués dans l'enfance (évaluations à 5, 7, 10 et 12 ans), environ 20 % (n = 54) présentaient encore des symptômes à l'âge adulte. Même ordre de grandeur dans l'étude brésilienne du Dr Luis Augusto Rhode (Porto Alegre), sur les 393 enfants ayant ce trouble à 11 ans, environ 15 % (n = 60) ont continué à l'avoir à l'âge de 18 ans.

 

Des enfants au profil différent

 

L'étude britannique révèle également que la persistance est associée à une forme plus symptomatique et à un QI moins élevé. À l'âge de 18 ans, par rapport à leurs pairs ayant une forme rémittente, les adultes ayant un TDAH persistant avaient plus de difficultés dans la vie, à la fois scolaires, professionnelles, familiales, amicales, et souffraient davantage d'anxiété, de troubles des conduites et d'addiction à la marijuana.

Pour les TDAH survenant à l'âge adulte, il ressort qu'enfants, les individus avaient moins de problèmes à s'extérioriser et un QI plus élevé que ceux dont le TDAH déjà présent perdurera à l'âge adulte. Cependant, à l'âge de 18 ans, les symptômes de TDAH et la fréquence des troubles mentaux associés étaient comparables.

« En pratique chez l'adulte, le tableau est plus compliqué, indique le Dr Bange. L'hyperactivité a régressé, voire a disparu. Au premier plan, ce sont des déficits de l'attention, de l'impulsivité et des troubles de régulation de l'humeur. »

 

Deux syndromes TDAH distincts

 

Les chercheurs britanniques sont les premiers étonnés de leurs résultats. Le Pr Arsenault estime que « l'étude soulève de nombreuses questions sur l'apparition de ce trouble à l'âge adulte ». Pour le Dr Jessica Agnew-Blais, chercheuse au King's College et co-auteur, « ce trouble de l'attention pourrait avoir été masqué par un environnement familial protecteur ou pourrait s'expliquer par d'autres déficits de santé mentale ou de santé en général (...) Nous pensons qu'il est important de continuer les recherches pour déterminer les causes de cette apparition tardive du TDAH ».

Pour l'équipe brésilienne, leur étude suggère « l'existence de deux syndromes qui ont des trajectoires de développement distinctes ». Dans un éditorial attaché, si le Dr Stephen Faraone du Suny Upstate Medical University (New York) et le Dr Joseph Biedermann de la faculté de médecine de Harvard (Boston) qualifient ces résultats de «bouleversement dans la compréhension du TDAH », ils appellent à clarifier la préexistence de formes infra-cliniques ou d'autres troubles associés du développement.

Un avis partagé par le Dr François Bange, qui veut rester prudent :  « Ces récentes études ouvrent des pistes mais la question reste posée de savoir si le TDAH diagnostiqué à l'âge adulte était déjà présent plus tôt. Comme la maladie est multifactorielle, il est possible qu'une bonne intelligence, un bon milieu intellectuel familial aient pu cacher des formes peu symptomatiques, qui se révèlent ensuite à l'âge adulte ».  L'âge de survenue du TDAH, qui est un critère diagnostique dans le DSM, pourrait être revu une nouvelle fois, aujourd'hui défini par la présence de symptôems avant 12 ans, car il «ne pourrait pas être correct, malgré les meilleures données disponibles », concluent les psychiatres américains. 

Dr Irène Drogou

Source : lequotidiendumedecin.fr