Un reflet plus fiable de la circulation du virus

Les décès des moins de 65 ans, un meilleur indicateur du Covid

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Publié le 12/11/2020
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Des chercheurs de l’université de Cambridge, de l’Institut Pasteur et du CNRS montrent que les décès chez les moins de 65 ans constituent un indicateur fiable de la circulation du coronavirus.

Déduire le taux d’infection dans un pays en fonction du nombre de décès par groupe d’âge

Déduire le taux d’infection dans un pays en fonction du nombre de décès par groupe d’âge
Crédit photo : Phanie

Comment adapter par territoires les stratégies de lutte contre le Covid ? Face à la grande variabilité des stratégies de dépistage, dans le temps, mais aussi selon les pays, à la disparité des taux de décès parmi les plus âgés et aux différentes structures par âge des populations, utiliser le nombre de décès comme indicateur de la circulation du SARS-CoV-2 ne permet ni de faire des comparaisons entre pays, ni de comprendre les dynamiques locales.

Pour pallier ces biais, des chercheurs de l’université de Cambridge, de l’Institut Pasteur et du CNRS ont élaboré un nouvel indicateur. Dans « Nature Communications »*, ces scientifiques estiment que « les données sur les décès de Covid-19 chez les individus plus jeunes (moins de 65 ans) peuvent fournir des informations plus fiables sur la nature sous-jacente de la transmission ».

Comparaison trompeuse

Ils ont ainsi intégré à leur modèle les données de décès liés au Covid-19 par âge de 45 pays, qu'ils ont croisé avec 22 enquêtes nationales de séroprévalence. « Une simple comparaison du nombre total de décès entre les pays peut être trompeuse dans sa représentation du niveau réel de transmission du SARS-CoV-2. La plupart des décès concernent des personnes âgées, mais ce sont les données les moins comparables d’un pays à l’autre », explique Megan O’Driscoll, doctorante au département de génétique de l’université de Cambridge et première auteure de l’article.

En Suède, au Canada et au Royaume-Uni, les résidents des maisons de retraite, plus vulnérables que les personnes âgées à domicile, ont été particulièrement touchés et représentent environ 20 % de l’ensemble des décès enregistrés. Le nombre de décès ne reflète alors pas la dynamique de circulation du virus. À l’inverse, des pays d’Asie ou d’Amérique du Sud affichent un taux de mortalité officiel lié au virus beaucoup moins élevé qu’attendu chez les personnes âgées.

« En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans. Nous avons pu utiliser cette information pour reconstruire de façon plus fiable le nombre d’infections dans les différents pays même ceux pour lesquels aucune enquête de séroprévalence n’a été réalisée », détaille Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur et co-auteur principal de l’étude.

Des taux d'infection de 0,06 % en Corée du Sud à 62,44 % au Pérou

Ce modèle permet ainsi de déduire le taux d’infection dans un pays en fonction du nombre de décès par groupe d’âge. Ainsi, en s’appuyant sur les données de décès des moins de 65 ans, les chercheurs estiment qu’au 1er septembre de cette année, sur les 45 pays de l’étude, une moyenne de 5,27 % de la population a été infectée par le SARS-CoV-2. De fortes variations sont observées selon les pays : de 0,06 % en Corée du Sud à 62,44 % au Pérou. En France, 4 % de la population aurait été infectée.

Le modèle permet également de déduire le taux de mortalité par Covid-19 par tranche d’âge. Ces taux de mortalité varient ainsi de 0,001 % chez les enfants âgés de 5 à 9 ans à 8,29 % chez les personnes âgées de 80 ans et plus. « Nous estimons une augmentation moyenne du taux de mortalité par Covid-19 de 0,59 % avec chaque augmentation de 5 ans de l'âge pour les âges ≥ 10 ans », est-il précisé. Le taux de mortalité étant plus important chez les hommes, il atteint 10,83 % pour les hommes de 80 ans et plus, contre 5,76 % chez les femmes du même âge.

Les taux de mortalité ne sont par ailleurs pas similaires entre pays. « Les estimations du taux de mortalité pondérées en fonction de la population sont les plus élevées pour les pays à population plus âgée comme le Japon (1,09 %) et l'Italie, tandis qu’ils sont plus faibles au Kenya (0,09 %) et au Pakistan (0,16 %) », indiquent les auteurs.

Cette approche pourrait « être particulièrement utile dans les contextes où il n'existe pas les ressources nécessaires pour réaliser de grandes études représentatives de séroprévalence », concluent les auteurs.

* O’Driscoll, et al. Nature (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2918-0

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin