Greffes rénales à partir de donneurs vivants

Les médecins, des alliés essentiels pour atteindre les 1000 greffes en 2021

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Publié le 02/10/2017
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rein greffe

rein greffe
Crédit photo : PHANIE

En 2016, 576 greffes rénales à partir de donneurs vivants ont été réalisées, soit 16 % des 3 615 greffes rénales*. Deux fois plus qu'en 2010. Néanmoins, avec « seulement » 29 greffes de plus en 2016 qu'en 2015, « nous constatons un palier aujourd'hui », dit le Pr Olivier Bastien, directeur Prélèvement greffe organes tissus à l'Agence de la biomédecine (ABM), après la hausse historique de 28 % de 2014.

Pas de cause univoque mais « des freins à chaque étape du processus de la greffe, que les médecins doivent nous aider à lever, afin que nous puissions atteindre l'objectif de 1 000 greffes annuelles à partir de donneurs vivants en 2021 », analyse le Pr Bastien. L'enjeu est de taille : cette source de greffons peut rapidement augmenter d'autant plus que la loi de 2011 a élargi le cercle des donneurs au-delà de la famille, aux proches pouvant témoigner d'un lien affectif profond d'au moins deux ans. Plus de 14 000 patients sont en attente d'une greffe de rein, dont 300 mineurs. 

Les soignants peuvent d'abord glisser le sujet sur la table, informer de cette option thérapeutique au cours d'une consultation lambda, briser la glace. « Un patient en insuffisance rénale n'osera pas demander à un proche de lui donner son rein. Un généraliste, une infirmière, un soignant peut ouvrir la discussion. Ou être sollicité pour un avis », explique le Pr Bastien. Les néphrologues et l'équipe de dialyse doivent aussi délivrer l'information rapidement dans le parcours du soin du patient ; plus une transplantation est précoce, avant la dialyse (préemptive), meilleurs sont les résultats. 

Vient ensuite le temps des bilans médicaux du donneur et du passage devant le comité donneur vivant et le tribunal de grande instance. Quatre à six mois, en théorie. 11 mois en moyenne, selon une enquête nationale de l'ABM et du centre d'épidémiologie clinique de Nancy parue en mars 2016. « Il faut essayer de fluidifier le parcours, ne pas faire traîner », invite le Pr Bastien. L'accompagnement psychologique ne doit pas être négligé : « Donner peut modifier une relation de couple, de fratrie ». Et d'appeler à s'appuyer sur les réseaux ville-hôpital. 

Les médecins, mais aussi les assistants sociaux ou les directeurs d'hôpitaux, doivent être « aidants », selon les termes du responsable de l'ABM, pour garantir la neutralité financière du don, jusque dans les arrêts de travail que compense l'assurance-maladie. Encore faut-il enclencher les démarches. Un donneur sur cinq se plaint d'un préjudice financier, lit-on dans l'enquête nationale. 

Enfin, le suivi du donneur doit être renforcé : l'accent doit être mis en post-opératoire sur la prise en charge de la douleur (« le rein est un organe profond, le patient peut avoir mal, même après cœlioscopie »), puis, le patient doit être surveillé tout au long de sa vie (contrôle de la pression artérielle, fonction rénale, albumine tous les ans, et échographie rénale tous les deux ans, à transmettre à l'ABM) - grâce, encore, aux réseaux ville-hôpital, incite le Pr Bastien. « Il ne faut pas laisser le patient dans la nature, sous prétexte qu'il va bien ». 

Des outils adhoc

L'ABM publie un guide pour les professionnels de santé, qui récapitule les informations susceptibles de répondre aux questions des patients, voire de convaincre d'éventuels donneurs. Il souligne les bénéfices pour le greffon (l'ischémie froide, très brève, et l'absence de mort cérébrale limite les lésions). Dix ans après la greffe, la survie des greffons issus de donneurs vivants est de 77,8 % contre 61,9 % pour les greffons prélevés sur donneurs décédés. Les greffes préemptives améliorent encore plus les chances de succès. 

Pour le donneur, les risques sont faibles. Aucun décès n'est rapporté par le registre français (le risque serait de 3 cas pour 10 000 donneurs). Les complications post-opératoires sont les douleurs au niveau de la cicatrice (22 %), les infections urinaires (4 %), l'hypertension artérielle (2 %), les complications pleuro-pulmonaires (1,2 %). Un à 3 % des cas nécessite une ré-hospitalisation. Le risque d'une insuffisance rénale débutante est de 10 à 15 %, corrélé à l'âge et à l'indice de masse corporel. Selon l'enquête nationale, un tiers des donneurs n'a pas retrouvé la qualité de vie physique d'avant le don, voire la moitié, pour ce qui est du mental, mais ils restent en meilleure santé que la population générale. Environ 25 % déclarent une qualité de vie supérieure. Et un an après, 96 % le conseilleraient, 98 % le referraient. 

*80 % (2 894) des greffes rénales viennent de donneurs en mort encéphalique, 2,4 % (86) de donneurs décédés après arrêt circulatoire suite à un arrêt cardiaque inopiné (Maastricht I et II), 1,6 % (59) de donneurs décédés après arrêt circulatoire suite à la limitation ou l’arrêt des thérapeutiques (Maastricht III). 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9606