Management « respectueux » et « extrême rigueur » scientifique : les ministres fixent leurs objectifs pour l’IHU marseillais

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Publié le 11/10/2022
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Crédit photo : AFP

Un mois presque jour pour jour après la publication du rapport accablant sur la gestion de IHU Méditerranée Infection, la nouvelle direction marseillaise est invitée à rendre des comptes. Vendredi dernier, les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont convoqué la direction de l’IHU de Marseille et les dirigeants des établissements fondateurs – Aix Marseille Université et Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) – pour « exiger des acteurs la construction d’un plan d’actions volontariste », soulignent François Braun et Sylvie Retailleau, dans un communiqué commun.

Le 5 septembre, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait émis 19 recommandations à destination de l’IHU, alors que de « graves dysfonctionnements » avaient été mis en lumière. Lors de la réunion du 7 octobre, les ministres ont exigé que ces recommandations soient mises en place « sans délai ». Les dirigeants marseillais ont, pour leur part, présenté « une première feuille de route » pour l’établissement. « De cet engagement ferme dépend la poursuite de l’activité de l’Institut, et celle du financement de l’IHU-MI par l’État », mettent en garde les ministres.

La Cour du Roi Soleil

Si la feuille de route n’a pas été détaillée, deux objectifs majeurs ont été retenus, à commencer par le fait de « renouer avec un management respectueux des personnes et de la réglementation », martèlent les ministres. Le rapport de l’Igas avait pointé de graves lacunes de management au sein de l’IHU, alors dirigé par le Pr Didier Raoult. Après avoir réalisé près de 300 entretiens – dont beaucoup anonymes –, l’Igas avait mis en lumière un système de management « pyramidal », centré autour de la figure du médiatique infectiologue. « Tous les témoignages recueillis convergent vers un même point : le Pr Raoult est omniprésent et est le décideur final », détaille l’Igas. « C’est la monarchie absolue, le fonctionnement de la Cour du Roi Soleil », témoignait par exemple l’une des personnes interrogées.

Second objectif du gouvernement : « restaurer le niveau scientifique international de l’IHU-MI », en soulignant la nécessité d’une « extrême rigueur dans la recherche mais aussi dans le soin ». Le rapport de l’Igas pointait une dérive abyssale de la démarche scientifique au sein de l’institut.

Course à la publication

Tests non conformes, guide de prescription d'antibiotiques « obsolètes », suspicion de fraude scientifique autour de l’hydroxychloroquine, mais aussi « manquement graves » jusque dans la conduite des recherches cliniques : plusieurs conclusions de l’Igas peuvent relever de la poursuite pénale. « De jeunes chercheurs disent édulcorer volontairement les résultats et les données, ou supprimer des choses qui ne marchent pas, pour ne pas subir de pression », expliquait l’Igas. Le tout dans un contexte de course à la publication scientifique, institué par l’IHU.

« Face à l’ampleur des dysfonctionnements », les ministres avaient saisi le procureur de la République de Marseille. Les dirigeants marseillais se sont engagés à poursuivre la mise en place des recommandations dans les prochains mois. Début septembre, le nouveau directeur, Pierre-Édouard Fournier a annoncé la suspension de tous les essais cliniques impliquant la personne humaine, « dans l'attente de la régularisation de la situation ».


Source : lequotidiendumedecin.fr