Paludisme : les mécanismes de résistance à l'artémisinine décodés

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Publié le 03/01/2020

Crédit photo : Phanie

L'artémisinine et ses dérivés sont les traitements de première ligne du paludisme. Depuis 2009, un nombre croissant de foyers de résistance à cette classe de molécule en Asie du Sud-Ouest est observé. Si l'on sait depuis longtemps que ces résistances reposent principalement sur des mutations touchant le gène du plasmodium codant pour la protéine Kelch13, les mécanismes exacts restaient encore inconnus.

Dans un article publié le 3 janvier dans la revue « Science », des chercheurs de l'institut Bernhard Nocht de médecine tropicale (Hambourg, Allemagne) expliquent que Kelch13 est une protéine impliquée dans l'endocytose et la digestion de l'hémoglobine par le parasite lors de la phase érythrocytaire de l'infection. Or, les sous-produits de cette digestion sont nécessaires pour activer l'artémisinine. En réduisant la disponibilité de ces sous-produits, la mutation de Kelch 13 réduit l'efficacité de l'artémisinine.

Un effet bien ciblé dans le temps

Cette conclusion est le résultat d'une longue série d'expérimentations. Dans un premier temps, les chercheurs ont constaté, à l'aide de marqueurs fluorescents, que la protéine Kelch13 s'accumule dans le parasite à proximité des vacuoles d'endocytoses qui servent à le nourrir. Cette distribution spatiale de Kelch13 n'est pas altérée chez les plasmodiums. Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont observé qu'une mutation de Kelch13 n'empêchait pas l'endocytose en elle-même, mais réduisait la capacité des parasites à dégrader l'hémoglobine.

Cet effet de la mutation de Kelch13, observé uniquement lors du stade en anneau du parasite au sein des hématies, n'a qu'un effet limité sur sa croissance au cours de cette étape de son cycle de vie. L'alimentation du plasmodium muté repose en effet d'avantage sur d'autres sources d'acides aminés que l'hémoglobine.

Selon les chercheurs, ces nouvelles données pourraient se révéler utiles à plusieurs égards. En premier lieu, ils espèrent que cela permettra de trouver un moyen de lutter contre la résistance à l'artémisinine. Ensuite, cela pourrait fournir des indications quant au choix des molécules associées à l'artémisinine, en évitant celles ciblant le processus de digestion de l'hémoglobine. Enfin, il pourrait être possible de développer des marqueurs de résistance à l'artémisinine.


Source : lequotidiendumedecin.fr