Consommateurs de crack à Paris : l'hébergement indispensable à toute entrée dans les soins, démontre le dispositif Assore

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Publié le 28/11/2022

Crédit photo : AFP

Un triple gain sur le plan sanitaire, c'est ce qu'apporte le dispositif Assore de l'association Aurore, destiné à accompagner les consommateurs de crack vers les soins, selon une évaluation réalisée par une équipe des Hospices civils de Lyon et de l'Université de Lyon I-Claude-Bernard*, à la demande de l’ARS Île-de-France.

Assore, créé en 2015, est un programme d'hébergement dans des chambres d'hôtel, associé à un accompagnement social, au profit des consommateurs de crack du nord-est parisien. Face à la demande, il a été régulièrement renforcé. Alors qu'il ne comptait que 220 places en 2019, il accueille, dans 61 hôtels aujourd'hui, 536 personnes sur un objectif de 610 places - de nouvelles places hôtelières sont recherchées dans un contexte tendu pour l'hébergement d'urgence. Les équipes comprennent des éducateurs spécialisés intervenant en binômes dans les hôtels, deux infirmiers et deux psychologues contribuant à l’évaluation somatique et psychique des usagers, ainsi que des agents logistiques pour les aspects pratiques de l'hébergement.

Composante essentielle du Plan Crack, qui patine sur d'autres aspects (il est sous-dimensionné selon la Cour des comptes), le dispositif est cofinancé par l’État (préfecture de Paris et d’Île-de-France, Mildeca** et agence régionale de santé) et la Ville de Paris.

Diminution de la consommation de crack

Assore permet tout d'abord aux consommateurs de crack de s'abriter et d'échapper aux conséquences délétères de la vie à la rue, avec un effet intrinsèquement bénéfique sur l'état de santé (meilleur sommeil, mise à l’abri du froid et de la pluie, réduction du stress et de l’exposition à la violence, etc.), met en lumière l'enquête conduite auprès de 21 % des usagers du dispositif (soit 99 personnes).

Deuxièmement, l'intégration au dispositif favorise la maîtrise des consommations. Ainsi, 87 % des bénéficiaires déclarent avoir réduit leur consommation de crack depuis leur entrée dans un hébergement Assore ; parmi eux, 19 % disent même l'avoir complètement arrêtée.

L’arrêt de la consommation de toute substance addictive reste cependant très rare. Les consommateurs passent plutôt d’une consommation compulsive, avec des risques élevés, à une consommation plus maîtrisée voire récréative, à distance des scènes de consommation avec une prise de risque moindre, lit-on. Ces usagers à l'évolution favorable se distinguent par moins de difficultés d’accès et de recours aux soins que ceux que les autres précaires, un recours récent plus élevé au Csapa (centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie), au médecin généraliste et au psychiatre ; et sur le plan des consommations, par moins d'alcool et de tabac, mais plus d'opiacés, et de médicaments antalgiques et sédatifs.

Troisième bénéfice, l'accompagnement par les professionnels d’Assore facilite l’initiation et la continuité des parcours de soins, en aidant les usagers à honorer leurs rendez-vous médicaux ou à compléter leurs séjours hospitaliers, et ouvrir les droits sociaux nécessaires.

Des difficultés persistantes

L'évaluation « confirme l'intérêt de poursuivre et d'intensifier le dispositif », considère l'ARS Île-de-France. L'hébergement sur du long terme (90 % des usagers ont une durée de séjour supérieure à 6 mois) est bien un préalable nécessaire à toute prise en charge sanitaire efficace des usagers précaires de crack (ce qui rejoint des constats tirés par ailleurs, à travers des programmes comme « Un chez soi d'abord »).

Mais des défis restent à relever : le manque d’effectifs et les difficultés de recrutement dans le médico-social, l’insuffisance des solutions en aval du dispositif pour les consommateurs ayant amorcé un parcours de réinsertion (ce qui risque de les décourager), ou encore le besoin de renforcer le parcours de prise en charge psychiatrique. Le rapport regrette notamment la faiblesse structurelle de l’offre en psychiatrie et un cloisonnement persistant avec l’addictologie. « Les dispositifs de psychiatrie refusent de prendre en charge les patients non sevrés au motif que l'emprise des substances n’est pas compatible avec leur évaluation et leur suivi », constate-t-on.

Se pose aussi la question de la médicalisation du dispositif (recruter des généralistes pour assurer le suivi courant des usagers, ou des psychiatres). Mais les professionnels ont pour l'heure repousser la proposition, qui risque, selon eux, de contribuer au développement d'une filière spécifique et d'accentuer la dépendance des usagers à l'égard d’Assore.

* Service d’évaluation économique en santé (Pôle Santé Publique) des Hospices civils de Lyon - Laboratoire de recherche en Santé publique Reshape Inserm U1290 de l’Université de Lyon I Claude Bernard.

**Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives


Source : lequotidiendumedecin.fr