Covid et genre : « La reprise ne devra pas oublier les femmes », dit le Parlement européen

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Publié le 08/03/2021

Crédit photo : PHANIE

Si les hommes meurent plus souvent du Covid-19, les femmes sont surexposées aux violences domestiques, aux troubles de santé mentale et à la précarité depuis le début de la crise sanitaire. La reprise économique et les réformes sociales à venir devront mieux intégrer les spécificités de genre, estime le Parlement européen qui prépare un rapport à ce sujet.

À la veille du 8 mars, une table ronde organisée par la commission des droits des femmes du Parlement européen a rappelé les enjeux des « politiques de genre » dans le futur monde de l’après-Covid, qu’elle souhaite plus égalitaire et plus à l’écoute des besoins « sexospécifiques » de la population.

Une étude sur le leadership féminin

L’égalité politique, économique mais aussi décisionnelle est d’ailleurs en elle-même un moyen efficace de lutte contre la pandémie, si l’on en croit les travaux d'Avivah Wittenberg-Cox sur le « leadership féminin ». Selon elle, les 19 pays dirigés par des femmes, sur les 194 États que compte le monde, réussissent mieux face au Covid que ceux dirigés par des hommes. Elle cite d’un côté Angela Merkel, la Néo-zélandaise Jacinda Ardern ou la Finlandaise Sanna Marin, dont les pays ont bien maîtrisé la crise, et de l’autre, Donald Trump et Vladimir Poutine, le Brésilien Bolsonaro et le Philippin Duterte. Certes, cette étude controversée est déjà critiquée pour ses biais mais elle révèle, selon son auteur, que les femmes dirigeantes seraient plus « souples » et plus attentives aux dimensions sanitaires et sociales que des hommes trop « rigides ». On retrouverait ces différences d’approche de la gestion des politiques de santé dans les gouvernements et les parlements où les femmes gèrent ces dossiers, y compris en termes de prudence et du sens du compromis.

Des exemples de battantes dans la lutte contre le virus

Si les femmes ont subi plus lourdement que les hommes le poids de la crise, toutes ne sont pas pour autant les victimes volontiers dépeintes à travers les médias. La virologue hongroise Katalin Kariko et son homologue italienne Maria Rosaria Capobianchi ont respectivement contribué à la mise au point du vaccin Pfizer et à l’isolement du virus. Répondant à quelques journalistes qui leur demandaient si le fait d’être des femmes avait nui à leurs recherches, elles ont rappelé au contraire qu’elles ont pu mener une vie et une carrière épanouies, sans « plafond de verre » ni discrimination et autres inégalités ou pressions. Évoquant son parcours, Katalin Kariko a souligné de plus qu’aux États-Unis, où elle travaille depuis plus de vingt ans maintenant, « les difficultés professionnelles viennent autant des femmes que des hommes » et que les problèmes de leadership touchent les deux sexes.

Promouvoir les carrières scientifiques chez les filles

Dans tous les cas, l’eurodéputée espagnole Susana Solis Perez souhaite que ces exemples de réussite soient mieux connus des jeunes filles, afin de les inciter à se tourner davantage vers des carrières scientifiques. C’est aussi en changeant les images traditionnelles que l’on fera avancer l’égalité, souligne-t-elle, même si la question des représentations n’est pas forcément prioritaire partout : « notre problème immédiat, c’est d’être mieux écoutées sur le plan professionnel », soulignait Alda dalle Valde, la présidente de l’association des infirmières belges, rappelant en outre la crainte permanente de ses collègues de contaminer leurs familles. Malgré les risques, « les soignants des deux sexes travaillent d’abord avec leur cœur », a-t-elle poursuivi en relevant que, dans ce métier, « les femmes ont souvent beaucoup plus d’attributs masculins que les hommes ».

D’ici quelques semaines, la commission des droits des femmes présentera en séance plénière le rapport rédigé par l’eurodéputée irlandaise Frances Fitzgerald sur « les perspectives de genre pendant et après le Covid ». « Oublier les femmes lors de la reprise aggraverait encore les inégalités entre les sexes », souligne-t-elle, que ce soit en matière d’égalité salariale, de lutte contre les violences ou d’organisation générale de la santé. Elle rappelle d’ailleurs que « les services de santé sexuelle et reproductive » ont été les grands sacrifiés de la crise sanitaire, y compris pour les personnes LGBT et intergenres, et que de nombreuses autres disciplines médicales ont vu leur activité se réduire : il importera là aussi de les reconstruire dans le respect et de manière harmonieuse, quel que soit le sexe.

Denis Durand de Bousingen

Source : lequotidiendumedecin.fr