Infertilité : lancement d'une plateforme accessible à tous pour mesurer sa fertilité à l'aune de son mode de vie

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Publié le 16/12/2022
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Crédit photo : PHANIE

Connaître le rôle des facteurs métaboliques, nutritionnels et anthropométriques dans l'infertilité de son couple à partir d'une prise de sang, et ainsi adapter son mode de vie pour augmenter ses chances de procréer : c'est ce que propose la start-up Alifert via une plateforme en ligne, accessible à tous, aboutissement d'une recherche académique de près de 15 ans.

L'infertilité touche environ 15 % des couples en âge de procréer, soit 3,3 millions de personnes en France et environ 186 millions dans le monde, un chiffre en augmentation. Un tiers des cas d'infertilité des couples n'est attribuable ni à la femme (absence d'ovulation, obstruction des trompes, endométriose, syndrome des ovaires polykystique) ni à l'homme (altération de la qualité spermatique) et reste inexpliqué : l'infertilité idiopathique.

« Le mode de vie des couples est rarement approfondi lors d'une consultation d'infertilité alors qu'on connaît toute l'importance qu'il a sur l'infertilité, et qu'il est modifiable (contrairement à l'âge). Les médecins peuvent interroger les patients sur l'activité physique et la nutrition, à l'aide de questionnaires (avec des biais liés au mode déclaratif) ; au mieux ils orientent vers une diététicienne. Mais il n'existe pas d'indicateurs, encore moins de score précis, pour se positionner et suivre une évolution », regrette la Pr Rachel Lévy, cheffe du service de biologie de la reproduction de l'hôpital Tenon (AP-HP) et professeure en biologie et médecine du développement et de la reproduction à la faculté de médecine Sorbonne Université.

Découverte d'un algorithme pour stratifier les patients infertiles

C'est ce manque que vient pallier la plateforme Alifert, construite à partir des données scientifiques recueillies dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) éponyme. Quelque 97 couples présentant une infertilité idiopathique (supérieure à un an) ont été comparés à 100 autres couples fertiles, recrutés entre 2009 et 2013.

« Nous avions beaucoup de données, mais nous attendions d'avoir un biostatisticien pour les faire vivre. La rencontre avec des spécialistes de l'intelligence artificielle a été déterminante pour pondérer les paramètres anthropométriques, antioxydatifs, et métaboliques, et retenir ceux qui peuvent rentrer dans le score (13 sur 80 testés) », raconte la Pr Lévy. D'autant que les chercheurs se heurtaient jusqu'à présent à un obstacle de taille : la notion de couple. « Nous avions publié des articles sur l'homme ou la femme, mais pas sur le couple, alors qu'il y a une grande pertinence à évaluer l'infertilité à l'aune du couple », poursuit la biologiste. Ce que montrent les résultats de l'étude de la preuve de concept.

Publiés en décembre 2021 dans « Scientific reports », ils aboutissent, par ailleurs, à la mise au point d'un algorithme permettant de stratifier les couples fertiles versus infertiles avec une précision de 74 %, voire de plus de 80 % dans une version réductionniste.

Une start-up pour diffuser l'innovation

Afin de diffuser l'algorithme auprès du grand public, en France comme à l'international, les équipes de recherche, avec l'assistance de la SATT Lutech, ont déposé un brevet, propriété de Sorbonne Université et de l'AP-HP. Puis en mars 2022, a été créée la start-up Alifert, qui détient la licence d’exploitation exclusive de ce brevet.

Depuis novembre, les couples, les hommes et les femmes, peuvent désormais s'inscrire sur la plateforme et recevoir une prescription pour faire des examens biologiques : hémoglobine glyquée, vitamine A rétinol, bêtacarotène, et sélénium pour la femme, cholestérol et vitamine E pour l'homme en plus d’hémoglobine glyquée, vitamine A, et bêtacarotène. Une fois les examens faits en laboratoire, l'algorithme produit trois scores (de 0 à 100 %), un score général, un score métabolique et un nutritionnel. Puis sont délivrés des conseils adaptés en fonction des résultats biologiques, par exemple privilégier des aliments comme certains fruits et légumes, du jaune d'œuf, du beurre, de la crème fraîche (pour la vitamine A), certaines huiles pour la vitamine E, etc. Les usagers peuvent ensuite réitérer les tests pour suivre l'évolution de leur état de santé.

« Alifert n'a pas vocation à se substituer à une consultation médicale, mais c'est un outil qui peut rentrer dans la discussion entre un patient et son médecin », précise la Pr Lévy. Elle plaide aussi pour son utilisation en prévention, dès l'expression d'un désir d'enfant. « On a aujourd'hui des preuves solides pour dire que le mode de vie, l'alimentation, le métabolisme des parents, sont associés à des marques épigénétiques présentes au niveau des gamètes et qui peuvent être transmis aux enfants », indique la Pr Lévy. « Améliorer son mode de vie pendant la période préconceptionnelle, c’est favoriser la bonne santé des enfants ». C'est aussi améliorer ses chances dans le cadre d'un parcours de procréation médicalement assisté.

Le dispositif coûte 300 euros pour un couple. En parallèle, l'équipe a déposé une demande de labélisation de dispositif médical.

*Les équipes des services de biologie de la reproduction de l’hôpital Tenon – AP-HP, de nutrition de l’hôpital européen Georges Pompidou – AP-HP et également de métabolomique clinique de l’hôpital Saint-Antoine AP-HP


Source : lequotidiendumedecin.fr