Interprétariat médical : l'IGAS veut améliorer l'accès, jugé indispensable

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Publié le 16/01/2020
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Crédit photo : S. Toubon

Indispensable dès lors que médecin et patient ne parlent pas la même langue, l'interprétariat médical reste pourtant dans l'angle mort du système de santé de droit commun, regrette l'Inspection générale des Affaires sociales, dans un rapport publié ce 15 janvier. 

La mission répond à une saisine de la ministre de la Santé pour rendre l'interprétariat effectif et efficient, à l'hôpital comme en ville. Il y aurait 4,8 millions d'étrangers en France dont 13 % parlent peu ou pas le français, soit 800 000 personnes. 

« Le non-recours à l'interprétariat constitue une prise de risque, un facteur de non qualité et une source potentielle de soins non pertinents et inutilement coûteux », note l'IGAS. La France s'est bien dotée d'un référentiel fourni par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2017, en vertu de la loi santé de 2016. « Mais le constat de la réalité des pratiques témoigne de l'importance de l'écart » avec ces recos, écrit l'IGAS. La France devrait investir quelque 30 millions d'euros selon les standards anglais ou suisse, voire 300 millions d'après les critères suédois. Or la manne consacrée à l'interprétariat en santé ne serait que de 6 millions…

Mieux faire connaître l'interprétariat

Pour rendre le dispositif plus lisible et connu, l'IGAS propose de le formaliser par une instruction ministérielle, et de communiquer largement auprès des médecins en ville et à l'hôpital. 

Elle invite la HAS à aller plus loin qu'un référentiel et à produire des recommandations de bonne pratique sur les modalités de recours à l'interprétariat. L'IGAS se veut pragmatique : « L'interprétariat est coûteux et contraignant pour le professionnel de santé. Il serait déraisonnable de prétendre accompagner 100 % des recours aux soins de patients allophones d'un interprète. » 

Simplifier son accès

L'accès au service d'interprétariat doit être simple pour les professionnels de santé, considère l'IGAS. À l'hôpital, elle propose de mettre en place un coordinateur de l'interprétariat (à l'instar de ce qui existe au CHU de Toulouse) et d'inclure ce sujet dans le référentiel de certification de la HAS.

En libéral, en particulier en soins primaires, et dans les établissements de santé en situation de paiement à l'acte, le recours à l'interprétariat devrait être majoré (afin qu'il n'y ait pas de pénalité liée à l'allongement du temps de la consultation). 

Selon l'IGAS, les agences régionales de santé (ARS) doivent coordonner les acteurs locaux (opérateurs d'interprétariat, associations d'accueil des immigrés, acteurs de santé). Elles pourraient notamment dresser une cartographie des besoins d'interprétariat (dans le cadre du programme régional pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies - PRAPS).

En termes d'organisation, la mission suggère que l'interprétariat à distance (téléphone et vidéo) soit accessible à tous les professionnels de santé « en tout point du territoire et à toute heure du jour ou de la nuit » et que l'interprétariat présentiel, préféré des médecins et des patients, fasse l'objet de vacations au cours desquels plusieurs patients allophones soient reçus. 

Enveloppe fermée et fonds pour la ville 

Comment financer le dispositif ? La mission considère qu'à l'hôpital, un financement dédié dans le cadre d'enveloppes fermées – une mission d'intérêt général, MIG – serait la solution la plus simple. Quant à la ville, elle propose un fonds associé à une gestion directe des achats de prestations par l'assurance-maladie. Elle suggère de confier à la CNAM le portage d'un marché national d'interprétariat téléphonique au profit de tous les acteurs, hospitaliers comme libéraux. 

Enfin, pour garantir la qualité de l'interprétariat médical, l'IGAS recommande la mise en place d'un processus de certification obligatoire des prestataires et la définition de prérequis attestant d'un certain niveau de langue et d'une formation.


Source : lequotidiendumedecin.fr