IVG : premier feu vert des députés pour l'allongement des délais, débats autour de la suppression de la clause de conscience spécifique

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Publié le 08/10/2020
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Crédit photo : AFP

Les députés ont adopté, ce 8 octobre, l'allongement du délai légal de deux semaines pour recourir à l'avortement par voie chirurgicale, jusqu'à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines d'aménorrhée). Ils ont en effet voté en faveur de l'article 1 de la proposition de loi (PPL) du groupe Écologie Démocratie Solidarité (composé d'anciens Marcheurs), par 102 voix contre 65, dans une ambiance tendue, ponctuée de huées, bronca ou applaudissements.

Les débats vont se poursuivre dans la soirée, autour de ce texte qui prévoit également la suppression de la clause de conscience spécifique à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). « Un médecin ou une sage-femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention », précise la proposition de loi.

Portée par la députée ex-LREM Albane Gaillot, la PPL veut aussi permettre aux sages-femmes de pratiquer une IVG chirurgicale jusqu'à 10 semaines de grossesses (12 SA) - alors qu'elles ne peuvent aujourd'hui pratiquer que des IVG médicamenteuses. Autant de mesures qui doivent rendre effectif le droit à l'IVG et « perpétuer, améliorer et approfondir l'esprit de la loi Veil » de 1975, défend Albane Gaillot. « Ce n'est pas le texte d'un parti mais pour les droits des femmes », plaide-t-elle.

Avant son passage en séance publique à l'Assemblée nationale, le texte a reçu le soutien de la commission des affaires sociales. Il fait suite au rapport d'information des députées Marie-Noëlle Battistel (PS, Isère) et Cécile Muschotti (LREM, Var) adopté le 16 septembre dernier par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. « L’accès à l’avortement se trouve entravé au nom de convictions religieuses ou idéologiques, de politiques natalistes, ou en raison d’un manque de moyens dont les plus vulnérables font les frais », déploraient-elles. Les deux députées proposaient ainsi d'allonger les délais de recours à l'IVG jusqu'à 16 SA, un délai déjà demandé lors du confinement, mais rejeté par le Sénat.

Bras de fer politique et saisine du CCNE

La droite a déjà exprimé son opposition à ce texte, au nom des « questions bioéthiques pour le fœtus et la femme et des risques sanitaires supplémentaires des avortements tardifs », selon les mots de Thibault Bazin (LR).

Si le patron du groupe LREM Christophe Castaner a indiqué qu'il voterait pour, « comme un grand nombre de députés de la majorité », le gouvernement joue la prudence. « C'est un thème sensible », a souligné le ministre de la Santé Olivier Véran ce 8 octobre, en ouverture des débats. Et d'appeler à attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qu'il vient de saisir le 6 octobre pour « faire un travail complet abouti ». Le CCNE devrait rendre son avis avant l'examen par le Sénat de cette PPL (dont la date n'est pas encore connue). En attendant, Olivier Véran a ainsi indiqué qu'il ferait valoir une « position de sagesse » sur l'ensemble de la PPL.

Une décision regrettée par la majorité : la saisine du comité d'éthique est « une façon de mettre entre parenthèses ce débat-là », a regretté la députée Cécile Muschotti, cheffe de file LREM sur ce texte.

Division du corps médical

Quant au corps médical, il est divisé. Opposé à l'allongement des délais qui conduirait à des gestes « lourds et douloureux », le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) plaide pour que l'on « donne les moyens aux hôpitaux de recevoir les femmes en demande d’IVG en urgence, sans les faire traîner, en modifiant la tarification des actes ».

Le gynécologue-obstétricien Philippe Faucher défend au contraire auprès de l'AFP un « pas important pour les femmes précaires, les jeunes qui ne savent pas à qui en parler, les victimes de violences ». « Cette extension ne coûte pas très cher car assez peu de femmes sont concernées. Mais donner un peu plus de temps peut en soulager beaucoup », déclare-t-il.

« J'ai l'impression que cette fois on a entendu les femmes et on a vu les fragilités », veut croire Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial, qui soutient la PPL, tout comme l'Association nationale des centres d'IVG et de contraception (ANCIC).

Le taux de recours à l'avortement a légèrement augmenté en 2019, avec plus de 232 000 IVG pratiquées en France, atteignant son plus haut niveau constaté depuis trente ans, selon une étude récente de la DREES.


Source : lequotidiendumedecin.fr