La vaccination ne suffira pas à elle seule à desserrer la pression sur les hôpitaux, selon des travaux de modélisation de l'Institut Pasteur

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Publié le 25/02/2021
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Crédit photo : AFP

Qui peut dire qui, de la vaccination ou des variants, l'emportera et donnera le rythme de l'épidémie de Covid-19 ? Les épidémiologistes s'y essaient, notamment ceux de l'Institut Pasteur, qui viennent de lancer un espace dédié aux travaux réalisés par l’unité de Modélisation mathématiques des maladies infectieuses, dirigée par Simon Cauchemez.

Et l'heure est à la prudence : « La vaccination des plus fragiles pourrait rapidement commencer à réduire le nombre d’hospitalisations par rapport à un scénario sans vaccin. Cependant, cet effet serait sans doute insuffisant pour compenser l’effet de l’augmentation de la transmission liée aux variants », y lit-on.

Le variant britannique représenterait 91 % des infections au printemps

La dernière étude datée du 23 février se penche sur la dynamique du variant dit britannique et la capacité des mesures de freinage à le contrôler. À partir des enquêtes de Santé publique France, et en considérant que ce variant est 60 % plus transmissible que la souche historique de SARS-CoV-2, les chercheurs calculent qu'il devrait être responsable de 56 % des infections en France, au 1er mars, et de 91 % d'entre elles, au 1er avril.

Ce remplacement devrait s'accompagner d'un taux de transmission du SARS-CoV-2 supérieur à ce qu'il aurait été sans ce variant (particulièrement contagieux), à hauteur de 34 % en mars et de 55 % en avril. Ce qui brise l'équilibre instable actuel, où l'augmentation du variant est (encore) compensée par la diminution des infections par la souche initiale.

La vaccination ne permettrait pas d'éviter un pic supérieur à la première vague

En quoi la vaccination change-t-elle la donne ? Elle devrait permettre de diminuer les hospitalisations, du moins de retarder le pic, sans pour autant absorber tous les effets de la plus grande transmissibilité du variant anglais.

Au 15 mars, les chercheurs projettent que 10 % de la population sera vaccinée, ce qui permettrait une réduction des hospitalisations de 19 % par rapport à une absence totale de vaccination (d'autant que sont immunisées les personnes les plus fragiles à risque d'hospitalisation).

Au 1er avril, les hospitalisations quotidiennes devraient être inférieures de 28 % par rapport à un scénario sans vaccination ; au 1er mai, de 46 %, dans l'hypothèse où 100 000 doses de vaccins par jour seraient distribuées jusqu'en avril, puis 200 000 par la suite.

« Nous espérons que la vaccination puisse retarder l'augmentation des hospitalisations de deux semaines. Mais le nombre d'admissions à l'hôpital risque d'atteindre dans la deuxième moitié du mois d'avril les niveaux observés lors du pic de la deuxième vague (2 500 hospitalisations journalières) », lit-on, et pourrait atteindre jusqu'à 4 500 hospitalisations par jour au pic (contre environ 3 750 au pic de la première vague).

Et de préconiser une combinaison de mesures de contrôle de l'épidémie et de prophylaxie. Celle-ci serait notamment efficace si 90 % des personnes âgées de plus de 75 ans pouvaient être vaccinées.

Nécessité de maintenir le virus à un niveau bas 

« Dans ce contexte, maintenir les taux de transmission du virus à un niveau bas, ce qui pourrait nécessiter un renforcement du tester-tracer-isoler ou/et des mesures de contrôle supplémentaires, sera important pour éviter une dégradation de l’épidémie », écrivent les auteurs. Et de préciser que des mesures d'intensité modérée (type deuxième confinement) n'auront comme effet que de maintenir un plateau en matière d'hospitalisation, tandis que des mesures renforcées pendant six semaines à partir de la fin mars (type premier confinement) pourraient repousser le rebond épidémique à un moment où la population sera majoritairement vaccinée.

17 % de population vaccinée

Enfin, une seconde étude de l'Institut Pasteur estime qu'environ 17 % de la population adulte a désormais été infectée par le virus SARS-CoV-2 et donc « pourrait avoir acquis une immunité (au moins partielle et de court terme) ».

Ce taux varie fortement selon les régions, de quelque 5 % en Bretagne à 30 % en Île-de-France. Proche de 25 % chez les 20-39 ans, il décroît ensuite avec l'âge, jusqu'à environ 11 % chez les plus de 70 ans.

À la sortie du premier confinement, en mai, l'Institut Pasteur évaluait à 5 % cette proportion au niveau national, avec des variations importantes entre régions (de l’ordre de 10 % en Île-de-France et dans le Grand Est).


Source : lequotidiendumedecin.fr