À Turin, l’Ordre régional des psychologues du Piémont a ouvert le premier café de la mort, un concept inventé il y a douze ans par le sociologue suisse Bernard Crettaz et particulièrement répandus dans le monde anglo-saxon. « Pour le moment, nous avons organisé une rencontre par mois mais à la rentrée, en septembre prochain, nous élargirons le concept à d’autres endroits à travers des associations, des particuliers », confie le Dr Giancarlo Marenco, président de l’Ordre des psychologues du Piémont. L’objectif de cette démarche, explique ce professionnel de terrain, n’est pas de permettre aux participants de bénéficier d’une thérapie mais « de faciliter les échanges relationnels pour affronter un thème a priori inquiétant comme la mort afin de parler de la vie et de sa qualité ».
Malaise croissant
Faciliter les échanges au niveau relationnel et affronter des thèmes difficiles, le mot est lâché. Mais cette mission est tout sauf simple car depuis trois ans, les Italiens broient beaucoup de noir et le nombre d’épisodes dépressifs au sein de la population est en augmentation constante. Et pas seulement chez les jeunes. Selon l’ISTAT, l’Institut national de statistiques, la dépression concerne environ 5,8 % des Italiens âgés de 35 à 64 ans et 14,9 % des plus de 65 ans. Les femmes seraient nettement plus exposées aux épisodes et la gravité de leurs conditions s’accentuerait à partir de 65 ans. Selon une enquête publiée en octobre dernier par le centre d’études de la mutuelle italienne Unisalute, 32 % d’Italiens souffriraient de crises d’angoisse et de dépression. Un autre constat enfonce un peu plus le clou en affirmant que les Italiens ont dépensé l’équivalent de 228 millions d’euros l’an dernier en antidépresseurs !
Pour tenter de retrouver leur équilibre perdu depuis la pandémie, selon les chercheurs et les professionnels de terrain, les Transalpins n’hésitent plus à franchir la porte des psychologues et psychothérapeutes. C’est du moins l’avis de l’Institut national de prévoyance et de support psychologique (ENPAP) qui brandit les déclarations d’impôts de ces spécialistes pour démontrer que leurs revenus ont augmenté de 28,7 % durant les deux dernières années alors qu’ils avaient chuté de 5,6 % en 2020 par rapport à l’année précédente. « Toutes ces données démontrent un malaise croissant parmi la population et l’importance de la mise en place d’un programme de soutien psychologique à l’échelle nationale, dans les écoles mais aussi dans le monde du travail et les structures de santé », estime le Pr David Lazzari, président du Conseil national des Ordres de psychologie (CNOP).
Pour contribuer à une amélioration de la santé mentale des Italiens, l’ENPAP a lancé l’an dernier le projet “Vivere meglio”, vivre mieux. Destiné aux personnes en détresse, ce dispositif leur a permis de bénéficier de 120 000 consultations gratuites dans les grandes villes. Face à l’augmentation de la dépression et des tendances suicidaires chez les jeunes depuis la pandémie de Sars-CoV-2, l’union italienne des étudiants (UDU) a pour sa part demandé au gouvernement d’inscrire l’aide psychologique dans la liste des prestations médicales totalement prises en charge.
Défi culturel
Mais tout cela suffit-il ? Pas vraiment, montrent les multiples sondages sur l’état de santé mentale des Italiens qui auraient du mal à maîtriser leurs angoisses notamment en ce qui concerne la maladie et la peur d’une mauvaise mort. Pour preuve, le débat sur la fin de vie particulièrement important au sein de la population mais qui en revanche fait défaut parmi la classe politique notamment de droite qui cède aux pressions des lobbies proches du Vatican et des associations pro-vie. Selon une enquête, 56 % de Transalpins seraient pourtant favorables à l’adoption d’une loi autorisant l’euthanasie. Ils souhaiteraient aussi, un assouplissement de la réglementation sur la fin de vie qui permet depuis 2018 à un individu majeur, d’exprimer ses volontés face à un traitement et de refuser par exemple l’acharnement thérapeutique. « La peur de la maladie, de la mort est un phénomène de plus en plus fréquent qui traduit l’incertitude. La crise d’angoisse représente la prise de conscience de la propre fragilité notamment chez les jeunes qui ont perdu leurs références par rapport à l’avenir depuis la pandémie mais aussi chez les adultes », note le Dr Marengo. Alors les cafés de la mort sont-ils la solution ? « Les cafés de la mort ne sont pas une thérapie mais plutôt un défi culturel pour pouvoir affronter un thème délicat qui fait peur comme celui de la mort », affirme-t-il.
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