L'antiépileptique topiramate inquiète de plus en plus les autorités sanitaires. L'Agence du médicament (ANSM) avait déjà appelé à restreindre drastiquement son usage chez les femmes enceintes, elle réitère ses recommandations face à des risques encore plus larges qu'estimés pour le bébé.
Le risque de survenue de troubles du spectre autistique serait multiplié par 2,77 et celui de déficience intellectuelle par 3,47 chez les enfants exposés au topiramate pendant la grossesse par rapport à une grossesse d’une mère épileptique sans exposition aux antiépileptiques, rapporte l'agence citant une étude publiée dans le « Jama Neurology ».
Chez la femme enceinte et chez toute femme en âge de procréer sans contraception hautement efficace, « le topiramate ne doit pas être utilisé dans l'épilepsie sauf en cas de nécessité absolue » et ne doit pas être prescrit, sans aucune exception, dans toute autre indication, insiste l'ANSM dans un communiqué.
D'autres risques malformatifs déjà connus
Le topiramate, vendu sous la marque Epitomax par le laboratoire Janssen mais aussi comme générique par d'autres fabricants, est indiqué contre les crises d'épilepsie et les migraines. Il est aussi parfois donné comme amaigrissant, mais cet usage n'est pas prévu par les indications officielles contrairement aux États-Unis, où une forme du traitement est approuvée contre l'obésité.
Ces recommandations ne sont pas nouvelles. L'agence, qui avait déjà mis en garde en 2019 sur l'usage du topiramate après le scandale de la Dépakine, rappelle que « le topiramate est un médicament tératogène, c’est-à-dire exposant en cas de grossesse à un risque élevé de malformations majeures (multiplié par 3) dont des fentes des lèvres et du palais (fentes labiales et palatines), des atteintes des organes génitaux (hypospadias) et une diminution de la taille de la tête et du cerveau (microcéphalies) », sans compter « un risque augmenté de petit poids à la naissance du nouveau-né ».
À la lumière de ces nouveaux résultats qui constituent « une nouvelle information majeure de sécurité », l'ANSM indique avoir demandé à l'Agence européenne du médicament (EMA) de réévaluer les conditions de prescription du topiramate. Une décision pourrait intervenir d'ici à quelques mois.
Les risques d'autisme et de déficience intellectuelle, révélés fin mai par une étude menée chez plusieurs millions de femmes scandinaves, étaient jusque-là considérés comme non exclus mais pas caractérisés.
Balance bénéfice/risque
Il faut donc plus que jamais « limiter au maximum l'exposition des femmes en âge de procréer et bien évidemment des femmes enceintes à ces médicaments, a insisté Philippe Vella, spécialiste des traitements neurologiques à l'ANSM. Si vraiment on n'a pas le choix de prescrire du topiramate, il faut informer la femme sur ces risques ».
Car c'est toute la difficulté du sujet. Chez certaines femmes, seul ce traitement se révèle efficace contre l'épilepsie. À charge, donc aux médecins d'évaluer si les risques représentés par les crises sont suffisamment élevés pour compenser ceux que le traitement fait courir à l'enfant à naître. À ce titre, l'Agence du médicament incite les patientes a en parler à leur médecin et à ne pas décider seule d'arrêter de prendre du topiramate. « Un arrêt brutal du traitement peut conduire à la recrudescence des crises, ce qui pourrait avoir de graves conséquences pour vous et votre enfant », met en garde l'ANSM.
Mise à jour pour la prégabaline et le valproate
Par ailleurs, l'ANSM publie une mise à jour des données de sécurité concernant la prégabaline et le valproate. Le risque de malformations congénitales est multiplié par 1,5 pour la prégabaline (Lyrica), cet antiépileptique utilisé dans les douleurs neuropathiques. « La prégabaline ne doit pas être utilisée au cours de la grossesse, sauf en cas de nécessité absolue », réitère l'ANSM.
Concernant le valproate, l'ANSM ajoute un risque de malformations oculaires, précisant le risque global de malformations évalué à 11 % (contre 10,73 % précédemment) et le risque sur la fertilité masculine. « Le valproate et ses dérivés sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse dans la prise en charge des troubles bipolaires et ne doivent pas être utilisés chez les femmes enceintes épileptiques, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique », est-il rappelé.
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