Jacques Trévidic, président d'Action praticiens hôpital (APH)

« Une reprise en main des technocrates »

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Publié le 16/04/2018
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TREVIDIC

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Marisol Touraine avait fait de la concertation, parfois jusqu'à la lie, la clé du dialogue avec l'hôpital. Quid de la méthode Buzyn ?

JACQUES TREVIDIC : Les débuts étaient convaincants. La nouvelle ministre a affirmé que l'hôpital n'est pas une entreprise. Elle a reconnu la réalité de la souffrance au travail et l'impact de la tarification à l'activité sur le management et le fonctionnement des établissements.

Le Premier ministre a sifflé la fin de la récréation le 13 février avec la présentation de la stratégie de transformation du système de santé. Nous assistons à un changement de méthode et à une reprise en main des technocrates ! Pertinence des soins, financement, numérique en santé, ressources humaines et organisation territoriale sont les cinq chantiers prioritaires du gouvernement. Qui les pilote ? Certainement pas des gens de terrain !

La concertation a également une autre saveur. Finies les réunions à n'en plus finir du temps de Marisol Touraine ; les représentants hospitaliers sont reçus les uns après les autres. Pendant une heure, on peut certes parler, on peut répondre, mais l'échange de vues entre praticiens est réduit. Et la concertation prend fin en mai. C'est court. 

On constate des tensions dans les services d'urgences. Doit-on envisager des regroupements sur le modèle des maternités ?

Il ne faut surtout pas édicter de règles générales ! Décider de la fermeture de la maternité de Sarlat (Dordogne) ou des urgences de Clamecy (Nièvre) ne peut pas se décréter de Paris. L'accès aux soins, c'est de la dentelle. À Dinan, la maternité fonctionne avec des intérimaires. Son avenir doit être envisagé au regard de celle, voisine, de Saint-Malo.

Il faut toujours interroger les praticiens hospitaliers. Ils peuvent valider la fermeture d'un plateau technique ou d'un service s'ils ne s'y sentent pas assez en sécurité pour travailler, souvent faute d'équipe médicale stable. À l’inverse, ils peuvent aussi être favorables au maintien d'une activité, même en zone peu habitée. En Bretagne, la population a beau être sur la côte, les hôpitaux de Pontivy ou Carhaix, dans les terres, sont toujours debout. Proximité des soins ne rime pas avec sécurité. Et fermer un établissement ne veut pas toujours dire mettre la clé sur la porte, ça peut aussi rimer avec transformation.

Des médecins intérimaires se sont constitués en association pour protester contre le plafonnement de leur rémunération. Qu'en pensez-vous ?

L'intérim est le cancer de l'hôpital. Nous sommes tout à fait opposés à l'extension de cette pratique. On ne soutient donc certainement pas les revendications de ces médecins. L'hôpital ne doit pas compter sur les mercenaires pour bien tourner. Supprimer les cinq premiers échelons de la grille salariale des PH serait bien plus efficace en termes d'attractivité que l'encadrement de l'intérim, qui ne résout rien et nous donne du travail en plus. 

Où en sommes-nous sur l'attractivité des carrières médicales à l'hôpital, chantier à 250 millions d'euros de la précédente équipe ?

Il restait dans les tiroirs du ministère des mesures sur la revalorisation des débuts de carrière, les valences non cliniques et l'amélioration du dialogue social. Sur le terrain, les hôpitaux proposent plus ou moins la prime d'engagement de carrière hospitalière dans les spécialités et territoires en tension, par ailleurs très technique et peu compréhensible pour les PH. Idem pour la prime d'exercice territorial pour valoriser le travail partagé, appliqué de manière variable. Il faudrait reprendre ce dossier en main, mais le cabinet d'Agnès Buzyn a été formel : on repart de zéro.

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez Exergue1. Fermer un établissement ne veut pas toujours dire mettre la clé sur la porte Exergue2. L'hôpital ne doit pas compter sur les mercenaires pour bien tourner

Source : Le Quotidien du médecin: 9657