Après la polémique des statines, baisse « préoccupante » de 30 % des Français traités par hypolipémiants

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Publié le 06/11/2018
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Crédit photo : PHANIE

La proportion d'adultes traités par hypolipémiant a baissé de 30 % entre 2006 et 2015, révèle une étude sur le LDL-cholestérol (LDL-c) en France publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH).

Conséquence directe de la retentissante polémique des statines déclenchée en septembre 2012 par le brûlot des Prs Philippe Even et Bernard Debré ? « Sans doute, une partie de la diminution de prescription lui est imputable, estime Valérie Olié, épidémiologiste à Santé publique France (SPF) et coauteur. Plus largement, il y a sans doute une défiance vis-à-vis des médicaments cardiologiques, suite au scandale du Mediator, comme cela a été constaté dans notre analyse précédente dans l'hypertension artérielle (HTA). On n'aurait pas dû voir une baisse aussi importante et on ne se l'explique pas encore très bien. »

La santé cardiovasculaire en danger

Une chose est sûre, les signaux d'alerte se multiplient pour la santé cardiovasculaire. Cette nouvelle photographie à partir de l'étude Esteban (Étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition), le montre ici pour le cholestérol.  

La proportion d'adultes avec un LDL-c > 1,6 g/l, qui frôle les 20 % de la population adulte, n'a pas évolué en 10 ans. Pire, « il y a une tendance à l'augmentation à la fois du cholestérol moyen et de la proportion des patients ayant un taux très élevé de LDL-c > 1,9 g/l », relève Valérie Olié. De plus, le dépistage de l'hypercholestérolémie recule, avec 8,7 % en moins d'hommes ayant déjà fait un bilan lipidique et 15,5 % en moins chez les femmes.

Cumul de facteurs de risque

Une meilleure prescription des hypolipémiants est loin de tout expliquer, sachant que la Haute Autorité de santé (HAS) recommande d'établir un profil de risque pour décider de la mise en route d'un traitement ou non. « Chez les patients ayant un LDLc > 1,6 g/dl non traité pharmacologiquement, 70 % avaient au moins un autre FDR supplémentaire, voire au moins deux pour 16 % d'entre eux. Le cumul des FDR appelle à la vigilance », développe Valérie Olié.

Pour le Pr Jacques Blacher, cardiologue à l'Hôtel-Dieu (AP-HP) et coauteur : « Suite à la polémique des statines, beaucoup de médecins ont embrayé en ne prescrivant pas de statines en prévention primaire. L'argumentation scientifique est très faible : faut-il réellement attendre l'infarctus du myocarde (IDM) pour traiter ? Il faut vraiment abandonner l'idée simpliste de décider de traiter ou ne pas traiter en opposant prévention primaire/prévention secondaire et évaluer le risque cardiovasculaire global. »

Une décision médicale personnalisée

La HAS s'est rangée à cette position en proposant une échelle de risque pour décider de traiter. « Soyons pragmatiques, souligne Jacques Blacher. Les médecins ne s'en servent pas, il faut arrêter de recommander des outils peu utilisés. En revanche, tous les médecins savent reconnaître les FDR cardiovasculaires, tels que le tabac, l'HTA, le diabète et les antécédents familiaux. La décision de traiter peut se prendre sur l'âge, le niveau du LDL-c et ces 4 FDR, et +/- le niveau d’HDL-cholestérol. Avec cette cote mal taillée, charge aux médecins de discuter avec son patient du rapport bénéfices/risques et de l'informer qu'avec un hypolipémiant, il peut faire baisser de 30 % son risque d'accident cardiovasculaire. C'est une décision médicale individualisée. »

Des gens non traités observés à la loupe 

Cette situation préoccupe les épidémiologistes qui cherchent à mieux comprendre le phénomène. Qui sont ces patients au LDL-c élevé qui ne se traitent pas ou plus ? « Dans l'étude sur l'HTA, il est ressorti que les femmes, habituellement plus observantes que les hommes, avaient tendance à se traiter moins qu'avant, explique Valérie Olié. Est-ce la même chose pour le cholestérol ? »

L'âge mais aussi le niveau socio-économique sont d'autres paramètres analysés de près, il n'est dit que les catégories socioprofessionnelles favorisées – « très critiques » relève Jacques Blacher – soient mieux traitées. « Pour l'instant, il n'y a aucune certitude de ce qui relève du fait du patient ou d'une moindre prescription des médecins, note Valérie Olié. La moitié des patients ne sont pas au courant de leur cholestérol élevé. » Les résultats des analyses complémentaires sur le cholestérol et l'HTA sont attendus fin 2018-début 2019. 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr