De l'art d'entretenir la flamme des plans de santé publique

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Publié le 17/10/2016
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Avant le temps du grand inventaire, la ministre de la Santé occupe le champ de la santé publique en promouvant d'arrache-pied les grands plans lancés en début de quinquennat et la loi santé. Tout en évitant habilement les polémiques.

Pour remobiliser autour des plans Cancer III et de « réduction du tabagisme » (qui s'étalent sur la période 2014-2019), la méthode Touraine est rodée : annoncer une innovation après un rappel des épisodes précédents. Ainsi, le 3 octobre, à la faveur d'Octobre Rose, la ministre promet la rénovation profonde du programme organisé du dépistage du cancer du sein. Il faudra attendre la fin de l'année pour en connaître les détails (qui, eux, pourraient donner matière à débat). En attendant, Marisol Touraine met en avant la récente suppression du ticket modérateur pour les mammographies et échographies supplémentaires des femmes à risque élevé (promise en 2015).

Deux jours plus tard, Marisol Touraine présente le moi(s) sans tabac, en novembre, un grand défi collectif pour arrêter de fumer alors que la prévalence du tabagisme ne fléchit pas. Face aux chiffres médiocres, la communication redouble autour du paquet neutre qui arrive chez les buralistes, avant l'annonce, à la radio, du triplement du forfait dédié au sevrage tabagique.

Les journées mondiales sont des rendez-vous opportuns pour faire acte de présence : celle du droit à l'avortement a été l'occasion de faire le bilan du programme national d'actions pour améliorer l'accès à l'IVG (initié en janvier 2015), et de lancer des opérations de testing. La 23journée mondiale Alzheimer (21 septembre) a permis à Ségur d'évoquer les nouveaux droits pour les aidants et le plan maladies neurodégénératives 2014-2019, tandis que la journée mondiale sur la santé mentale (le 10 octobre) a vu la naissance du conseil national de la santé mentale.

À l'écoute des patients et victimes

La ministre soigne son image « sociale » en se montrant à l'écoute des patients. Fin août, elle annonce la mise en place d'ici à 2017 d'un dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine. Un mois plus tard, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme vise « à éviter le sentiment d'abandon et l'errance thérapeutique auxquels sont confrontés les malades ». Mi-octobre, elle inaugure la première salle de consommation à moindre risque (SCMR) qu'elle présente comme « une réponse innovante et courageuse à une situation d'urgence sanitaire ».

Au chevet des victimes du terrorisme, Marisol Touraine n'hésite pas à emprunter un ton régalien. « L'État est aux côtés des victimes et des Niçois traumatisés. Il l'a été dans les minutes qui ont suivi l'attentat », déclare-t-elle en annonçant la création de 24 nouveaux postes dans les hôpitaux psychiatriques de Nice, le 12 octobre.

La ministre de la santé se positionne enfin comme la mère de nouveaux droits : ceux des personnes en fin de vie (elle a signé les décrets fin août de la loi Leonetti-Claeys), ou ceux des usagers désormais outillés de la class action. Dans ce tourbillon d'annonces, elle a néanmoins gardé le silence sur l'étiquetage nutritionnel, laissant les manettes au directeur général de la Santé, le Pr Benoît Vallet. « On ne peut pas reprocher à Marisol Touraine de donner de la visibilité à ses actions et de répéter des messages de santé publique, commente Christian Saout, du Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Même si la communication n'est pas tout, et que la prévention reste le parent pauvre des financements publics… »

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9526