L’amélioration des conditions d’entrée dans le parcours de soins est l’une des priorités du plan national Maladies neurodégénératives 2014-2019. Des efforts sont encore nécessaires pour favoriser un diagnostic précoce, de qualité, éviter les situations d’errance et bénéficier des soins et de l’accompagnement appropriés. En France, environ 1,2 million de personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée (Mama), suscitant chez leurs proches une grande inquiétude, liée notamment à la capacité à s’occuper d’eux au quotidien : 50 % des gens estiment qu’ils ne seraient pas capables de s’en occuper. Dans plus de la moitié des cas, le diagnostic est fait à un stade trop avancé, lorsque le score au mini-mental state examination (MMSE) est entre 10 et 20. La stratégie diagnostique doit être graduée, progressive, adaptée à la personne – ses plaintes, son profil, sa demande personnelle et celle de son entourage – ainsi qu’aux situations à risque qu’elle peut avoir à affronter dans la vie quotidienne.
Avantages et inconvénients d’un repérage précoce
Le diagnostic et la prise en charge des malades nécessitent des compétences pluridisciplinaires faisant intervenir des professionnels d’horizons différents. Le médecin généraliste traitant est le pivot de l’organisation des soins centrés sur le patient (recommandations HAS 2011). Un diagnostic précoce peut être proposé en cas de troubles cognitifs (plainte du patient ou de l’entourage) ou de symptômes potentiellement associés à un déclin cognitif (chute, syndrome confusionnel, AVC). L’évaluation initiale par le médecin généraliste repose sur le MMSE et l’échelle des « activités instrumentales de la vie courante » (IADL, ou échelle de Lawton) simplifiée.
Si l’évaluation clinique est normale, une réévaluation doit être faite à 6 ou 12 mois. En cas de suspicion de déclin cognitif, demander un bilan clinique, biologique et d’imagerie et un avis spécialisé. Un des avantages du diagnostic précoce est d’éliminer des diagnostics différentiels curables (confusion, dépression, iatrogénie). Il permet également de mettre en place, si nécessaire, des directives anticipées, de prévenir les risques (accidents, spoliation…). Mais il existe également certains inconvénients à faire un diagnostic précoce : pas de traitement disponible, surdiagnostic (faux positifs), anxiété et stigmatisation (vis-à-vis des assurances par exemple…).
Entre perte de chance et surmédicalisation
L’accès au diagnostic au moment opportun est une revendication légitime, qui recouvre le droit de savoir (ou de ne pas savoir), mais aussi le droit à une annonce et à un accompagnement de qualité dans le parcours de soins. Parmi les freins au diagnostic au bon moment en soins primaires et secondaires figurent une mauvaise appréhension des bénéfices apportés par le diagnostic aux stades les plus légers, car l’évolution est lente, et une mauvaise compréhension du parcours diagnostique.
Le « moment opportun » est le moment de l’évolution de la maladie où le diagnostic peut apporter le plus grand bénéfice au patient, idéalement au début du stade de déclin cognitif et fonctionnel (stade T3), mais il existe un faible niveau de preuve des tests diagnostiques en soins primaires.
Le choix de ce moment relève donc pour les médecins généralistes d’une décision complexe, individualisée, au sein de multiples critères, et la question du rapport bénéfices-risques se pose. Perte de chance ou surmédicalisation, il s’agit d’une véritable responsabilité pour la médecine générale.
Communications des Drs Michel Clanet (président du comité de suivi du PMND), Pierre Krolak-Salmon (Institut du vieillissement, Lyon), Laurent Letrilliart (Villeurbane, CMG) et de Judith Mollard-Palacios (France Alzheimer)
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