Ciguatéra

Intoxication avec des poissons habituellement comestibles

Publié le 11/06/2015
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« La ciguatéra est endémique des zones de développement corallien intertropicales et prédomine dans les régions insulaires, explique Mireille Chinain. Environ 400 millions de personnes y sont potentiellement exposées. » L’incidence varie entre les régions et dans une même région d’une île à l’autre. Elle est estimée à moins de 10 cas/100 000 hab. dans l’océan indien, 12 à 500 cas/100 000 hab. dans les Caraïbes et peut aller jusqu’à 18 000/100 000 hab. dans certaines îles du pacifique. Dans les Antilles et en Polynésie, un réseau de veille est en place. En Europe, un état des lieux de l’ANSES (bulletin épidémiologique n°56, 2013) fait état depuis 2004 de contaminations après consommation de poissons toxiques pêchés dans les archipels de Madère et des Canaries.

La principale source de production de ciguatoxines (CTXs) proviendrait de certaines lignées d’une micro-algue, Gambierdiscus spp, qui prolifèrent sur des milieux coralliens dégradés. Gambierdiscus se fixe sur des algues macrophytes que broutent de petits poissons herbivores, eux-mêmes proies de grands poissons de récif prédateurs. Certains de ces poissons habituellement comestibles (barracuda, murène, carangue, mérou, chirurgien, vieille, sériole... ) deviennent toxiques et impropres à la consommation.

Selon les individus et les régions

Les premières descriptions de ciguatéra remontent au IVe siècle avant J.C. Dans les 30 minutes à 48 heures après le repas surviennent les prodromes, des troubles digestifs (crampes abdominales, nausées, diarrhée, vomissements) qui cèdent en 48 heures auxquels peuvent s’associer des manifestations cardiaques (hypotension, bradycardie…) témoins de gravité (notamment suite à une intoxication massive liée à l’ingestion de viscères et de têtes de poisson).

La phase d’état débute dans les 10 à 24 heures après l’ingestion. Elle est marquée par des manifestations douloureuses (arthralgies, myalgies), des symptômes neurologiques (paresthésies, dysesthésie, goût métallique, allodynie au froid qui persistent parfois des mois ou années), cutanés (prurit) et généraux (asthénie). Mireille Chinain note que « les symptômes peuvent être ravivés à distance par une consommation de produits marins, d’alcool, de protéines animales, d’arachide ou une fonte de la masse graisseuse (forte activité physique ou régime) ».

Prise en charge

En absence d’antidote spécifique, la prise en charge « occidentale » repose sur le traitement symptomatique des troubles digestifs, des douleurs, du prurit. Dans les formes sévères, un lavage gastrique est parfois réalisé. Les formes neurologiques ou graves de ciguatéra peuvent être traitées par perfusion iv de D-manitol hyperosmotique.

La médecine traditionnelle utilise des plantes « détoxifiantes » dont le faux tabac. « Son principe actif, l’acide rosmarinique a démontré des propriétés neuroprotectrices contre les CTX sur des cellules de neurones primaires humains et sa capacité à détoxifier sur des cultures de cellules de neuroblastomes et par un test ligand-récepteur (il déplace la toxine de son site d’action). La réflexion sur de possibles essais cliniques en Polynésie est en cours. Au préalable, il nous faudrait recueillir plus d’informations sur le mode d’action précis de ce composé », conclut Mireille Chinain.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9419