Les maladies cardiovasculaires représentent la deuxième cause de mortalité en France, derrière les cancers. Pour adapter la stratégie thérapeutique au risque d’un patient, il faut l'évaluer de façon correcte, ce qui n’est pas si évident. Pendant longtemps, cette évaluation a été pratiquée à partir des modèles de risque de Framingham ou de Laurier, qui prennent en compte sept paramètres (âge, sexe, pression artérielle systolique, cholestérol total, HDLc, tabagisme, diabète) et donnent un risque d’événement cardiovasculaire à 10 ans. Depuis quelques années, c’est le modèle Score, proposé par la Société européenne de cardiologie, qui tend à être utilisé. Il se fonde sur cinq variables (âge, sexe, pression artérielle systolique, cholestérol total, tabagisme) et donne une évaluation de la mortalité à 10 ans.
« Ces modèles présentent des limites, a rappelé le Dr François Lacoin (Labens). Ils ont été établis à partir de données le plus souvent nord-américaines, chez des sujets ayant donc un risque initial différent de celui de la population française. De nombreux facteurs de risque ne sont pas pris en compte, et ils ne sont pas adaptés aux personnes de plus de 65 ans. En fait, ces outils ont surtout été développés pour la prescription médicamenteuse, en particulier des statines. »
Un modèle plus récent, le QRisk 3, recommandé par le National Institute for Health and Care Excellence, le Nice, au Royaume-Uni, présente l’avantage d’avoir été validé chez des patients âgés de 25 à 84 ans et de tenir compte de plus de paramètres, notamment des comorbidités telles que fibrillation atriale, migraines, maladie psychiatrique sévère ou polyarthrite rhumatoïde, et de la prise de traitement pour la dysfonction érectile ou de stéroïdes. « Il s’agit d’une population britannique, dont le risque cardiovasculaire est plus élevé que celui de la population française, mais cette approche pourrait être adaptée à notre niveau de risque », a souligné le Dr Lacoin.
Construire un modèle français
Parmi les facteurs de risque non modifiables, les maladies mentales sévères sont importantes à prendre en compte. Les études récentes ont en effet mis en évidence une augmentation significative de l’incidence des pathologies coronariennes et cérébrovasculaires chez les patients souffrant de schizophrénie, de troubles bipolaires ou de dépression sévère, incidence qui s’accroît avec la prise d’antipsychotiques.
Au sein des facteurs de risque modifiables, le rôle délétère de l’obésité, des troubles du sommeil, du stress ou des inégalités sociales en santé n’est aujourd’hui pas suffisamment intégré dans l’évaluation du risque. « Il y a un gradient de mortalité cardiovasculaire selon la catégorie sociale, avec un taux qui passe progressivement de 10 à 22 pour 100 000 patients-années entre les ouvriers et les cadres, a indiqué le Dr Lacoin. Et si le taux de mortalité a globalement été réduit, l’écart s’est creusé. Nous devons en tenir compte dans notre pratique. »
La pollution est un autre facteur de risque, indépendant, caractérisé par des effets à court et à long terme. Le stress chronique et le syndrome de stress posttraumatique sont également associés à un risque cardiovasculaire accru, et plusieurs essais ont montré les bénéfices de la gestion du stress et de la méditation sur le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire.
« Nous devons donc construire et valider ensemble un outil d’évaluation adapté à la population française et prenant en compte l’ensemble des facteurs de risque », a conclu le Dr Lacoin.
Communications des Drs François Lacoin (Albens), Éric Drahi (Saint-Jean-de-Braye), Hector Falcoff (Paris) et Pascal Charbonnel (Les Ulis)
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