Dès les années 70, des études sur le profil psychologique des patients souffrant d'eczéma montraient déjà que ces derniers sont plus enclins à la dépression et à l'anxiété. Pour autant les résultats des travaux tenant d'établir un lien entre dermatite atopique et risque de suicide restaient peu concluants. Une vaste méta-analyse publiée ce mercredi dans le « JAMA Dermatology » suggère l'existence d'un sur-risque de pensée suicidaire et de tentative de suicide liée à cette pathologie.
Pour la partie qualitative, les chercheurs de l'université du Missouri-Kansas City ont retenu 15 études, au sein desquelles ils ont sélectionné 11 études pour la partie quantitative de leur travail. Sept d'entre elles n'incluaient que des adultes, 2 ne comprenaient que des enfants, 3 incluaient à la fois des enfants et des adultes et 3 ne précisaient pas l'âge des participants.
Calculé à partir des données des 11 études (soit environ 27 000 cas et 147 000 contrôles), le risque de pensées suicidaires était significativement augmenté de 44 % chez les patients souffrant d'eczéma. Le risque de tentative de suicide a lui été évalué à partir des données de 3 études totalisant plus de 23 000 cas et 134 000 contrôles. Il était significativement augmenté de 36 % chez les patients souffrant d'eczéma.
Il n'a en revanche pas été possible d'établir un risque relatif fiable en ce qui concerne les suicides réussis. Les auteurs notent que les pensées suicidaires sont plus fréquentes chez les patients souffrant d'un eczéma sévère (19,6 % selon les 2 études qui stratifient le risque en fonction de la sévérité) que chez ceux souffrant d'un eczéma modéré (0,21 %). Quelques études ont étudié spécifiquement les cas pédiatriques, mais les résultats se sont être contradictoires.
Les auteurs se gardent d'affirmer qu'ils détiennent une preuve définitive du lien entre eczéma et santé mentale. Ils rappellent les limites inhérentes à l'exercice de la méta-analyse, et la grande hétérogénéité dans les méthodologies des différentes études.
Un lourd fardeau psychosocial
L'eczéma atopique est associé à un certain nombre de comorbidités : asthme, rhinites allergiques, syndrome métabolique ou encore trouble du sommeil qui contribuent tous à alourdir le fardeau physique de la pathologie. Beaucoup de patients souffrent en outre de troubles psychosociaux, principalement liés au caractère visible et stigmatisant de la maladie. « Ainsi les résultats scolaires des enfants atteints d'eczéma ont-ils tendance à être moins bons que ceux des enfants non malades, tandis que les patients adultes déclarent fréquemment se sentir moins performant au travail et bénéficier de moins d'opportunités professionnelles », décrivent les auteurs.
« En agissant sur les conséquences physiques, psychosociales et l'état inflammatoire chronique des patients, nous pouvons espérer réduire le risque de tentative de suicide », poursuivent-ils. Les chercheurs suggèrent aux dermatologues de ne pas hésiter à aborder la question de la dépression et de l'anxiété avec leurs patients. « En cas de terrain favorable à un risque de suicide, il ne faut pas hésiter à adresser ses patients à un spécialiste de la santé mentale », conseillent-ils.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature