Mal de dos chez les jeunes : une campagne pour mieux diagnostiquer la spondyloarthrite

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Publié le 15/04/2016
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Crédit photo : PHANIE

À 21 ans, Émilie subit les premiers assauts de la maladie. Son médecin traitant pense à une sciatique. Pendant plusieurs années, elle est traitée ponctuellement par un ostéopathe. À 24 ans, elle se réveille un matin sans pouvoir se lever. La veille, elle participait encore à un entraînement de basket de deux heures. « La douleur me coupe littéralement les jambes », raconte-t-elle. Une généraliste remplaçante évoque une double sciatique.

Émilie prend des anti-inflammatoires, continue son métier de sage-femme, développe une boiterie, que ni son humour ni sa bonne humeur ne parviennent à faire oublier. « Je vivais un enfer, je mettais 1 h 30 à me lever. » Retour chez le médecin. IRM. Prise de sang. Neuf mois après, le diagnostic tombe : elle souffre d'une spondyloarthrite. « C'était un soulagement de savoir et une souffrance de se dire malade », témoigne Émilie.

Depuis, la jeune femme se bat. Elle n'a jamais arrêté son travail, ni ses activités et passions : une randonnée de 3 semaines à la Réunion, le rallye Aïcha des gazelles, dont elle vient juste de revenir. « Trois jours avant, sur le bateau qui nous amenait au Maroc, j'avais encore des poussées. Mais une fois dans le désert, la douleur m'a lâchée. Transpirer, sans avoir mal, j'avais oublié ce que c'était », dit-elle, songeuse.

Membre de l'Association française de lutte anti-rhumatismale (AFLAR), Émilie soutient la campagne « Ne lui tournez pas le dos » initiée par Abbvie*, en partenariat avec l'Association France Spondyloarthrites (AFS). À travers une communication digitale ciblant les jeunes, et la mobilisation de plus de 4 000 officines, l'objectif est d'aider les patients à identifier l'origine mécanique ou inflammatoire d'un mal chronique.

Spondyloarthrites méconnues

D'origine inflammatoire, les spondyloarthrites restent méconnues. « Elles touchent 0,5 % de la population, une personne sur 200 », explique le Dr Henri Nataf, rhumatologue (centre hospitalier François Quesnay, Mantes-la-Jolie). « On ignore leur origine – même s'il existe un terrain génétique favorisant (HLA-B27) et des métiers plus à risque –, on n'en guérit pas, et le diagnostic, longtemps, n'a pas fait consensus », poursuit-il. « On a trop longtemps cru que cela n'affectait que les hommes ! », note-il.

Les formes mineures de spondyloarthrite, qui ressemblent à un banal tour de rein, ou à une pathologie mécanique, sont les plus délicates à repérer. « J'ai connu dans ma patientèle un triathlète qui n'a pas été diagnostiqué pendant 10 ans et infiltré au coup par coup, car on mettait ses douleurs sur le compte du sport », illustre le Dr Virginie Pécourneau, Rhumatologue et médecin du sport au CHU de Toulouse. Certaines spondyloarthrites sont non radiologiques, enchérit le Dr Nataf. Les progrès de l'IRM ont permis un meilleur repérage. Mais beaucoup d'inconnues demeurent (par exemple, sur l'intérêt d'un diagnostic précoce pour ralentir l'évolution de spondyloarthrites ankylosantes – sa pertinence quant à la surveillance et au traitement étant acquise).

Fin du dogme du « ne bougez plus »

Ces 10 dernières années, l'arrivée des anti-TNF a révolutionné la prise en charge des malades. Mais les rhumatologues doivent être aussi sensibilisés à l'intérêt de l'activité physique en complément d'un traitement médicamenteux, soulignent les médecins. « Les patients ont peur de se faire mal. Mais l'activité physique encadrée, progressive, adaptée, est bénéfique, y compris pour les douleurs chroniques mécaniques (lumbago, lombalgie) », assure le Dr Pécourneau. « Cela prévient en outre les complications cardiovasculaires, respiratoires, l'ostéoporose », souligne-t-elle.

Face aux maux de dos, les généralistes doivent avoir le réflexe de s'interroger sur l'origine de la douleur, inflammatoire ou mécanique, en discutant avec le patient, et si besoin en l'orientant vers un rhumatologue, estime le Dr Pécourneau. Sans oublier d'évoquer l'activité physique, et une prise en charge globale. Généraliste, rhumato, ostéo, phytothérapie, homéopathie, et sport, Émilie essaie tout, sans négliger les aspects psychologiques. « Il faut réussir à prendre du recul et à être acteur de sa vie », résume-t-elle.

* Société biopharmaceutique productrice de traitement anti-TNF alpha.


Source : lequotidiendumedecin.fr