C’est un programme unique en Europe, que d’autres grands hôpitaux envient. Voilà deux ans que le robot chirurgical Da Vinci Xi est utilisé à l’hôpital Necker Enfants malades à Paris (AP-HP), pour des interventions pédiatriques multispécialités. Objectif affiché : élargir les indications de la chirurgie mini-invasive.
En 2 ans, 170 enfants ont été opérés avec 34 indications différentes, en urologie, oncologie, chirurgie viscérale, ORL, thoracique, transorale et néonatale. Seules 6 interventions ont été réalisées plus de 5 fois: une situation bien différente de la chirurgie robotique adulte, où il y a peu d'indications et un grand volume d’activité pour chacune.
Une organisation originale a dû être inventée : « Lors du programme opératoire, nous évaluons en réunion pluridisciplinaire si l’enfant doit bénéficier du robot, explique le Dr Thomas Blanc, responsable de ce projet robotique. Si l’intervention n’a jamais été réalisée auparavant avec le robot, nous en anticipons ensemble toutes les étapes : installation du patient, position des trocarts, choix des instruments robotiques… Tous ces éléments sont ensuite colligés dans une fiche dédiée ».
Décision multidisciplinaire
En observant le Dr Blanc à la console du robot, réalisant une longue anastomose pyélo-urétérale sur un rein ectopique pelvien, l’intérêt du robot saute littéralement aux yeux : la profondeur de champ de l’optique 3D et le grossissement X 10 permet une vision extraordinaire du site opératoire. Mieux qu’en « vrai ». Les trois autres bras du robot, très précis, transmettent les mouvements du chirurgien, corrigent ses tremblements, augmentant sa précision (un mouvement de 5 mm se traduit par un déplacement de 1 mm du robot) tout en reproduisant les mouvements de la main. « Nous sommes confortablement installés à la console, et non les bras tendus comme en coelioscopie, c’est aussi un gain majeur en termes d’ergonomie sur des interventions longues », ajoute le Dr Blanc en poursuivant son surjet avec un fil à peine visible à l’œil nu.
Cette modalité chirurgicale nécessite une excellente coopération au sein des équipes du bloc : « Une fois le robot installé, le chirurgien n’est plus en tenue stérile ni sur le champ opératoire. Il dépend de l’IDE pour changer les instruments du robot et pour introduire par le trocart assistant le matériel nécessaire (fils, aspirateur) ». C’est aussi une vraie évolution pour les anesthésistes, qui ont un accès limité à l’enfant, étant donné l’encombrement stérique des bras du robot. La sécurité de la procédure, sans événement indésirable depuis le début du programme de chirurgie robotique pédiatrique, a eu raison de leur appréhension initiale.
Coût et formation indispensables
L’installation du robot et la position des bras sont essentielles, car il faut éviter tout conflit entre les bras eux-mêmes et avec le patient. « Au total, au mieux on ne gagne pas de temps opératoire, prévient le Dr Blanc, mais on améliore la précision de la chirurgie, on réduit les traumatismes des tissus, les douleurs post-opératoires et donc les séquelles potentielles. » Notre jeune patiente au rein ectopique a ainsi pu regagner son domicile dès le lendemain.
Si l’intervention robotique est coûteuse (outre le robot lui-même, qui été financé aux trois-quarts par du mécénat, le reste par l’APHP, les instruments ont un nombre limité d’utilisation, 10 à 15 selon les cas), c’est sur la durée d’hospitalisation (et les arrêts de travail parentaux) que l’hôpital espère équilibrer le budget; une étude médico-économique est en cours.
En attendant, l’hôpital universitaire poursuit la formation des chirurgiens et des équipes à cette technique d’avenir. Dix sont déjà autonomes, ils peuvent ainsi guider leurs collègues grâce à une double console. Comme dans l’aéronautique, le robot se transforme en simulateur lorsqu’il n’est pas utilisé pour une intervention. « Nous avons prouvé que ce robot, développé pour l’adulte, pouvait être utilisé de façon pertinente et sûre en pédiatrie, avec d’excellents résultats », souligne le Dr Blanc, espérant toutefois le développement par les industriels de trocarts plus petits, actuellement 8 mm contre 3 à 5 mm en cœlioscopie.
Entretien avec le Dr Thomas Blanc, service de chirurgie viscérale et urologique pédiatrique du Pr Sabine Sarnacki, Hôpital Universitaire Necker Enfants malades, APHP, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
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