Le lien est maintenant bien établi entre l’inflammation chronique, quelle qu’en soit la pathologie responsable et la fragilité osseuse, les cytokines libérées sous l’effet de l’inflammation stimulant l’activité des ostéoclastes et donc la perte osseuse. La polyarthrite rhumatoïde (PR) en elle-même constitue un risque majeur d’ostéoporose (OP), la corticothérapie rajoutant un risque supplémentaire.
Prévenir l’ostéoporose cortico-induite
Les recommandations sur l’OP cortico-induite ont été actualisées en 2014, rappelant que sa prévention repose sur l’utilisation de doses les plus faibles possible de corticoïdes (CS) oraux, en préférant les infiltrations intra-articulaires à la voie orale, et en assurant un contrôle optimal de la PR. La difficulté avec les CS, c’est qu’il n’existe pas de seuil en dessous duquel le risque de fracture serait nul. Le risque fracturaire existe même à faible posologie, du fait de la susceptibilité génétique individuelle aux CS mais aussi en raison du degré d’inflammation engendré par la maladie. Le traitement de la PR par les biothérapies constitue la meilleure prévention de la dégradation de la masse osseuse, à la fois par la réduction de l’inflammation et la diminution du recours aux corticoïdes. « Toutes les études observationnelles montrent qu’à partir du moment où on contrôle l’activité de la maladie par une biothérapie on stoppe la perte osseuse, mais on manque encore de données mettant en évidence la diminution du nombre de fractures » explique le Dr Briot.
L’OP étant la comorbidité la plus fréquente dans la PR, elle devrait faire l’objet au moins une fois d’un bilan systématique, avec une évaluation de tous les autres facteurs de risque et une ostéodensitométrie, amenant au minimum à la prévention par une alimentation équilibrée, une activité physique régulière, un apport éventuel en vitamine D, avec la prescription d’un traitement anti-ostéoporotique en cas de fracture, de DMO très basse ou d’autres facteurs de risque. Par contre, devant une DMO basse chez une personne en poussée inflammatoire, et en l’absence de fracture, on peut surseoir à l’instauration d’un traitement anti-ostéoporotique, la mise en place d’une biothérapie permettant de stopper la dégradation de la masse osseuse, voire de l’améliorer. Le bilan doit être renouvelé après 3 ans de traitement ou après 18 à 24 mois en son absence.
Un constat accablant dans la vraie vie
On dispose donc à la fois de recommandations sur l’OP cortico-induite, mais aussi sur l’ostéoporose en général et sur la prise en charge des comorbidités dans la PR. « Malgré ces recommandations, il persiste clairement un défaut de prise en charge de l’OP en général et en particulier de l’OP cortico-induite » insiste la rhumatologue. Chez les patients atteints de PR de la cohorte COMEDRA, tous les facteurs de risque listés dans les diverses recommandations ont été analysés et la prise en charge comparée à celle préconisée par les diverses recommandations. Mais l’étude COMEDRA montre que seules 20% des personnes qui auraient dû être prises en charge pour prévenir l’OP cortico-induite l’ont été, que 22% de ceux qui auraient dû recevoir des biphosphonates en application des recommandations sur l’OP en général l’ont été, et que 23% seulement des femmes relevant d’un traitement pour OP post-ménopausique en ont bénéficié. Un effort notable reste donc à faire pour que ces recommandations passent dans la pratique.
D’après un entretien avec le Dr Karine BRIOT, Hôpital Cochin
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