Le souhait de Michel Barnier de diminuer « sensiblement » les soins pris en charge par l'Aide médicale d'État (AME) à laquelle ont droit les sans-papiers, en réponse à une demande du Rassemblement national, a été vivement critiqué par le monde de la santé.
« Après des années de hausse, l’AME, dont le coût s’élève à 1,2 milliard d’euros, fait d’ores et déjà l’objet d’une stabilisation, a indiqué le Premier ministre dans une interview au Figaro publiée en ligne jeudi 28 novembre. Nous n’allons pas la supprimer, mais le panier de soins pris en charge va être sensiblement diminué, comme l’avaient proposé Patrick Stefanini et Claude Evin dans un récent rapport. En outre, nous allons engager dès l’an prochain une réforme de l’AME pour éviter les abus et les détournements. »
Michel Barnier avait déjà plaidé fin octobre pour une « maîtrise des dépenses » de l'AME, appelant le Parlement à prendre « toutes les dispositions pour que ces dernières ne progressent plus ». Dans un communiqué publié jeudi, le RN avait demandé que l'AME soit baissée « drastiquement ».
En commission le 12 novembre, les sénateurs avaient déjà raboté de 200 millions d'euros le budget de l'AME, sur un total d'1,3 milliard prévu pour 2025.
« Colère » d’Aurélien Rousseau
Malgré son flou, cette annonce a déclenché une série de réactions outrées de plusieurs acteurs du système de santé et des politiques de gauche.
« On est stupéfaits et très inquiets par les dernières annonces du Premier ministre, a réagi sur franceinfo Matthias Thibeaud, référent plaidoyer accès aux droits santé à Médecins du monde. Il est absolument désolant de voir que la santé des personnes étrangères est instrumentalisée à des fins politiques par le Premier ministre lui-même et à la demande du RN de Madame Le Pen et de Monsieur Bardella. Visiblement leurs paroles comptent plus que les enjeux de santé publique qui sont pourtant essentiels dans l'accès à l'Aide médicale d'État. »
Chef du service psychiatrie à Henri-Mondor (AP-HP), engagé de longue date dans la défense de l’hôpital public et l’accès aux soins pour tous, le Pr Antoine Pelissolo a rapidement donné de la voix sur X :
Ancien spécialiste des questions de santé pour la parti socialiste, le Dr Claude Pigement a jugé que le Premier ministre allait « perdre son âme » en s’engouffrant dans cette brèche.
Sur le même réseau, l'ex-ministre macroniste de la Santé Aurélien Rousseau, membre du groupe PS à l'Assemblée nationale, a estimé que le projet de Michel Barnier était « indécent, odieux ». « Le gouvernement cède au RN au mépris de toute considération de santé et d'humanité », a-t-il écrit sur le même réseau, faisant part de sa « colère ».
Avec sept autres anciens ministres de la Santé, Aurélien Rousseau avait déjà affirmé en septembre dans une tribune au Monde que restreindre ou supprimer cette aide pour les sans-papiers aurait des « conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables ».