Climat : en 2021, les médecins ont (encore) tiré la sonnette d'alarme

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Publié le 17/12/2021
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Peu avant la COP 26 de Glasgow, les médecins, alarmés par l’inaction des gouvernants, ont multiplié les mises en garde contre les effets du réchauffement climatique sur la santé des populations. Risques infectieux à la hausse, canicules et événements climatiques extrêmes, insécurité alimentaire, les tableaux dépeints sont sombres.

Crédit photo : Phanie

Mégafeux de forêt aux États-Unis et en Grèce, chaleurs infernales au Canada, inondations monstrueuses en Allemagne et en Chine, sécheresse à Madagascar, en Iran, en Afghanistan… Il n’a échappé à personne que les signes de l’emballement du réchauffement climatique se sont multipliés en 2021. Médecins, revues et organisations scientifiques ont exigé que la menace du changement climatique sur la santé humaine soit prise très au sérieux lors de la COP 26 qui s’est tenue à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre. Las, cette dernière a accouché d’un accord bien en deçà des enjeux.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir martelé l’urgence de la situation : « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas », cingle le rapport alarmiste du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Le GIEC rappelle que l’objectif de + 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, et même celui de + 1,5 °C (objectifs de la conférence de Paris de 2015) pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles pour les systèmes humains et écologiques ». Même en limitant la hausse à 2 °C, 420 millions de personnes de plus sur Terre feront face à des canicules extrêmes et jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050, à la suite de mauvaises récoltes, d’une baisse de la valeur nutritive de certains produits et d’une envolée des prix (+ 30 % d’ici à 2050).

La malnutrition chronique devrait toucher plus de 180 millions d’habitants, en grande majorité en Afrique et en Asie du Sud-Est, où le rachitisme infantile devrait sévir. De plus, le changement climatique pourrait impacter près de 75 % des approvisionnements en eaux souterraines, si bien qu’entre 350 à 400 millions de citadins supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau.

En termes de maladies, les experts s’attendent à une augmentation de l’incidence du paludisme et de la maladie de Lyme, ainsi qu’à une hausse des décès liés aux diarrhées infantiles. Les maladies liées à la qualité de l’air devraient « substantiellement augmenter », tout comme les risques de contamination de l’eau ou des aliments par des toxines maritimes.

Des effets désormais palpables

Aux experts du GIEC ont succédé ceux du sixième rapport du « Lancet Countdown » qui a, pour la première fois, constaté l’effet actuel du réchauffement climatique sur l’évolution récente de 44 indicateurs de santé. En 2020, les enfants de moins d’un an ont été exposés à 626 millions de journées de canicule en plus que la moyenne observée entre 1986 et 2005 et les adultes de plus de 65 ans ont été exposés à 3,1 millions de journées de canicule supplémentaires.

En 2020, 19 % de la surface du globe a été confrontée à un épisode de sécheresse extrême (caractérisé par des pertes de culture, de bétail et un impact significatif sur la disponibilité en eau), alors que ce chiffre ne dépassait pas 13 % entre 1950 et 1999. L’insécurité alimentaire a touché, en 2019, deux milliards d’humains, un chiffre à rapprocher des pertes de productivité du maïs (- 6 % entre 1981 et 2010), du blé (- 3 %) et du riz (- 1,8 %).

Selon les experts du « Lancet », le réchauffement climatique pourrait effacer des décennies de progrès contre les maladies infectieuses : la période de l’année propice à la transmission du paludisme a augmenté de 39 % depuis les années 1950. Les régions côtières du nord de l’Europe et des États-Unis sont, pour leur part, en train de connaître une plus grande circulation de bactéries du genre Vibrio à l’origine de gastroentérites, de sepsis et de plaies infectées.

L’appel des 200 revues médicales

Le Pr Anthony Costello, codirecteur du comité du « Lancet Countdown », s’inquiète aussi de la montée des troubles psychiatriques. « Les effets du réchauffement climatique sur la santé mentale sont très répandus, à commencer par l’écoanxiété chez les jeunes, prévient-il. Mais aussi les traumatismes causés par la perte du domicile lors d’événements extrêmes, les déplacements de population, sans oublier les troubles neurologiques des personnes âgées affectées par les vagues de chaleur. »

Le « Lancet » a été rejoint par plus de 200 autres revues scientifiques dont le « New England Journal of Medicine », le « British Medical Journal », la « Revista de Salud
Publica » du Brésil ou le « National Medical Journal of India ». Les signataires pointent principalement du doigt les multiples plans de relance de l’économie post-Covid, jugés pas assez verts et trop dépendants des énergies fossiles.

Des cris qui résonnent, pour l’instant, dans le vide : le projet d’accord final adopté à l’issue de la COP 26 ne parle que de réduire les énergies fossiles, tout en laissant la porte ouverte à la possibilité d’aménagements pour « circonstances nationales particulières ». Autre point très contesté : l’absence d’aide financière pour aider les pays en développement à diminuer leur empreinte écologique.

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin