Courrier des lecteurs

Fin de vie : une précipitation pas nécessairement opportune

Publié le 18/11/2022

La fin de vie est un chapitre qui est souvent mis de côté au décours des études médicales car le plus souvent il engendre des débats passionnés, et des points de vue parfois diamétralement opposés. Cependant, les médias récupèrent très régulièrement ce sujet de société pour majorer dans de nombreux cas la confusion sur cette question complexe. Ainsi, certains journalistes prennent comme exemple la prise de position sur ce sujet de certains pays d’Europe (Suisse ou Belgique) qui ont accepté l’idée de l’euthanasie. D’autre part l’exécutif s’est proposé de légiférer sur la fin de vie, ce qui majore d’autant plus les débats déjà très nourris par la presse.

Un témoignage très intéressant

Il y a quelques semaines de cela, un quotidien national relatait la perception de la fin de vie, suite à l’histoire d’un patient ayant une maladie de Charcot. Cette personne ayant fréquenté les bancs d’écoles prestigieuses, et ayant des fonctions avec d’importantes responsabilités, a appris qu’il était porteur d’une maladie incurable et qui allait rapidement réduire son autonomie.

Il a accepté avec fatalisme ce verdict qui le condamnait à une mort en ayant des souffrances importantes, et difficilement acceptables. De ce fait, il s’est rapidement renseigné pour connaître les différentes dispositions (euthanasie notamment) qu’il pouvait prendre pour que sa fin de vie soit rapide. De cette manière, il éviterait une déchéance qu’il se refusait d’affronter.

Cependant, une petite flamme l’a conduit à changer de braquet, car après tout pourquoi ne pas continuer à vivre ? Aussi il a accepté de vivre avec un handicap qui allait inexorablement le conduire à la mort. De ce fait il a dû modifier sa façon de vivre, et il a dû accepter qu’il ne pourrait plus effectuer certaines activités (marche et voyage). Il s’est résolu à demander l’aide d’infirmières et d’aides soignantes et d’autres professionnels de santé pour gérer son quotidien. La gestion de sa pathologie a été grandement améliorée du fait de l’intervention d’équipes qui ont pu gérer ses maux (fausses routes, douleurs…).

Étant alité en permanence, ce patient a fait des rencontres qui lui ont mis du baume au cœur. Il a pu échanger des points de vue, et a pu voir que ce changement était également l’occasion d’avoir à l’esprit autre chose que son ancien travail qui le monopolisait sans prendre en compte certains aspects de la vie qu’il ne regardait pas. Il a pu continuer de s’évader au moyen de l’écriture et grâce aux lettres envoyées à certains amis qui lui ont permis de réfléchir sur certains sujets de société.

Autrement dit son épreuve a modifié sa façon de vivre, mais cela en étant également tout à fait positif sur cette situation de handicap. L’article met en avant, en conclusion, le fait que cette personne, qui avait dans un premier temps pensé à l’euthanasie, souhaite avant tout profiter de la vie qui lui reste car il a encore beaucoup de choses à apprendre.

Légiférer, mais avec une grande prudence

Cet exemple est très intéressant car il permet de voir qu’il est important pour le médecin traitant (c’est celui qui prend en charge le patient en fin de vie le plus souvent) de ne pas rapidement être polarisé sur l’euthanasie. Pour ce professionnel il est fondamental d’intervenir dans la gestion des soins en fin de vie.

Bien entendu cette prise en compte est souvent difficile car les professionnels de santé ont de grosses difficultés actuellement à gérer le quotidien du fait d’une pénurie de soignants. Cependant, nous ne devons pas oublier que le médecin généraliste fait face à un patient qu’il a suivi durant de longues années, et qu’il est intenable pour lui et sa famille de bâcler sa fin de vie.

À ce titre, je ne peux que cautionner les propos tout à fait justes de notre confrère le Dr Mongeard qui dans un courrier des lecteurs du Quotidien du Médecin (28/10/22) soulignait qu’il avait en charge des patients polyhandicapés qui n’avaient pour la plupart qu’une volonté ; celle de vivre le plus longtemps possible.

Aussi, avant de se polariser sur le chant des sirènes de certaines associations de patients revendicatives de manière pas nécessairement opportune, il est important de penser qu’il existe une autre alternative à l’euthanasie : les soins palliatifs. Or, comme l’a souligné la Dr Fourcade dans « Le Quotidien » du 28 octobre, le déploiement d’unités en charge des soins palliatif n’est pas uniforme et des disparités existent sur notre territoire.

Aussi est-il nécessaire, avant de parler de suicide assisté ou d’euthanasie, de regarder comment mieux prendre en charge les patients en soins palliatifs car certains veulent s’accrocher à la vie. De ce fait, nous avons le devoir, en tant que professionnels de santé de leur donner cette opportunité car nous sommes avant tout des soignants.

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin