Noëlle, 42 ans a dû en deux semaines affronter un divorce, une perte d’emploi et un vol de son appartement. Elle consulte car elle ne dort plus, présente des angoisses importantes et une anhédonie. En parallèle, elle explique ne plus manger du fait d’une gêne gingivale. L’examen de la cavité buccale retrouve de nombreuses plages maculo-papuleuses au niveau gingival (voir photo). Cette description est pathognomonique d’un lichen plan buccal idiopathique.
Cette affection est une pathologie cutanéo-muqueuse inflammatoire chronique fréquente. Près de 1 % des consultations dermatologiques sont dédiées à cette entité. Elle touche les patients ayant entre 30 et 60 ans, et se rencontre plus souvent chez les femmes (3 femmes pour 2 hommes). En ce qui concerne les formes buccales, elles représentent entre 15 et 25 % des consultations en stomatologie et dermatologie. Dans près de 75 % des cas il existe une association entre forme cutanée et muqueuse. L’origine du lichen plan reste inconnue. Cependant, une association (sur le pourtour méditerranéen) entre lichen et hépatite C a été montrée. En parallèle, il des facteurs auto-immuns ont été incriminés, mais aussi certaines prothèses dentaires (à base de résine époxy, de résine acrylique, de palladium), et des médicaments. D’autre part, les émotions et stress peuvent contribuer à une récurrence de cette pathologie.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
Le lichen plan buccal idiopathique se caractérise par des lésions blanches ayant un aspect de papules, ou parfois de réseau (stries de Wickman). À la palpation, ces lésions présentent un aspect granuleux. Le lichen plan évolue souvent par poussées.
Les formes débutantes se caractérisent par une localisation habituelle au niveau de la partie postérieure des joues, et du dos de la langue.
› On peut observer la présence d’une fine aréole de couleur rouge qui entoure les lésions observées
› Au niveau buccal, avec le temps les lésions changent d’aspect ; de réticulé, elles donnent des stries plus larges qui font penser à des feuilles de fougère.
› Classiquement, plusieurs formes buccales sont décrites :
– une forme érythémateuse. Elle correspond à une forme d’activité intense?;
– une forme érosive. La muqueuse buccale se caractérise par des érosions assez nombreuses d’aspect angulaire, et dont le fond présente un enduit jaune fibrineux. Les bords plats sont le siège de sillons fins. La muqueuse des berges présente un liseré érythémateux. Deux variétés sont décrites : celle qui est mineure et dont les érosions sont petites et peu nombreuses, celle qui est majeure avec un érythème diffus, et sont associées à de nombreuses érosions?;
– une forme bulleuse. Elle se caractérise par de grosses bulles dont le contenu est hémorragique ou à liquide clair. Le praticien n’objective pas souvent ces bulles, mais plutôt les érosions secondaires. Deux variétés existent : celle qui est simple (bulle unique développée dans une zone atrophique), et celle qui a un aspect de pemphigoïde. Dans ce cas la forme gingivale est fréquente?;
– une forme pigmentée ou nigricans. Elle s’observe en cas d’évolution chronique de la maladie chez des sujets africains. Une aréole noire suit le dessin des lésions blanches qui ont disparu. On peut penser à tort à une pigmentation raciale ou iatrogène?;
– une forme atrophique s’objective souvent à la suite de l’évolution du lichen chronique. Elle est fréquente sur le dos de la langue (aspect de dépapillation avec stries blanches ou kératose). Les gencives prennent un aspect lisse et brillant. On retrouve parfois une fibrose de la sous-muqueuse avec rétraction du cul-de-sac vestibulaire en regard des molaires mandibulaires ;
– une forme hyperkératosique ou verruqueuse. Elle se rencontre souvent chez les fumeurs. Cliniquement, on rencontre des plaques kératosiques qui prennent l’aspect de leucoplasie. La variante verruqueuse se caractérise par une kératose très épaisse dont la surface est irrégulière, et donnant à la palpation un aspect de rugosité (comme une langue de chat).
– une forme hypertrophique. Elle est rare et correspond à une régénération épithéliale.
LE TRAITEMENT
L’abstention thérapeutique est possible pour les formes asymptomatiques.
On propose pour les formes peu importantes une corticothérapie locale. La bétaméthasone sous forme de glossette (Buccobet®) peut être prescrite durant 15 jours.
Il est aussi possible de prescrire de la prednisone (Solupred®) en bain de bouche.
Pour les formes plus étendues, une corticothérapie orale peut être prescrite.
Dans le cas de formes hyperkératosiques importantes, on peut prescrire des rétinoïdes (étrétinate, Tigason® ou acitrétine, Soriatane®), ou la chirurgie (pour les formes très étendues). Enfin, il faut garder à l’esprit une possible transformation maligne dans 1 % des cas. De ce fait, une surveillance rigoureuse des patients atteints reste nécessaire. u
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