Les pollens viennent au deuxième rang parmi les pneumallergènes des régions tempérées, derrière les acariens domestiques, les moisissures, les animaux, et les blattes. Si les acariens et les pollens sont les causes de la grande majorité des rhinites allergiques (RA) ils ne les résument à eux seuls.
Comment reconnaître les RA ? Considérées à tort par certains comme de la bobologie.
UNE FRÉQUENCE EN NETTE AUGMENTATION
Au cours des 30 dernières années, la fréquence de la RA, certes diagnostiquée plus souvent, a considérablement augmenté. Elle est due à l’épidémie d’allergies qui a concerné de la même façon l’asthme et les allergies alimentaires. Dans une étude sur 7398 personnes âgées de plus de 6 ans, une sur trois présentait des symptômes de rhinite non associée à des signes d’infection ORL au cours de l’année écoulée.
Parmi ceux-ci, plus de la moitié (52,7 %) avaient au moins un test cutané d’allergie positif vis-à-vis d’un panel de 19 pneumallergènes usuels (7). De nombreuses études confirment ces données : la RA est un diagnostic fréquent établi par les médecins de première ligne puisqu’elle vient au 19e rang des diagnostics portés (8). Au moins 30 % de la population est atteinte de RA.
LES SYMPTÔMES DES ALLERGIES POLLINIQUES : DU NOUVEAU ?
Symptômes
Le tableau typique de la RA associe une rhinite (95-100 %), une conjonctivite (70-80 %), un asthme (50 %), parfois une sinusite, un malaise général, un état subfébrile (38 °C), une urticaire. Classiquement la RA est un symptôme tardif de l’atopie (vers 10-15 ans).
Toutefois les RA (toutes causes confondues) peuvent débuter très tôt puisque 10 % d’une grande cohorte de 1 850 nourrissons avaient une RA dans un contexte non viral. Les facteurs de risque étaient l’atopie biparentale (p=0,036), une éosinophilie sanguine ≥470 éléments/mm3 (P=0,046), une sensibilisation aux pneumallergènes (p=0,042) mais pas aux aliments (9).
> Les symptômes varient selon les individus qui se plaignent soit d’une obstruction nasale, soit d’un écoulement nasal abondant et clair.
Le signe du salut de l’allergique (frottement du nez de bas en haut), fréquent chez l’enfant, peut-être observé à tout âge. On recherchera des signes d’atopie : double repli palpébral inférieur (signe de Dennie-Morgan), un eczéma des paupières, des stigmates d’eczéma (fissures rétro-auriculaires derrière les genoux ou des plis du coude).
> Les symptômes oculaires (larmoiement, écoulement, rougeur) sont partiellement dus à l’action des allergènes (en particulier des pollens) sur la muqueuse conjonctive, mais il existe aussi un réflexe nerveux naso-oculaire via le ganglion trigéminé (7), qui pourrait expliquer que les corticoïdes intra-nasaux peuvent améliorer à la fois la RA et la conjonctivite (8).
> L’asthme est étroitement associé à la RA : il peut précéder, suivre ou accompagner la RA. On estime que pratiquement 100 % des asthmatiques ont une RA. La RA non traitée augmente la sévérité de l’asthme et, inversement, le contrôle de l’asthme est amélioré par un traitement adapté de la RA (4-6).
Il faut connaître des variétés d’asthme associé à la RA :
- asthme saisonnier ou à renforcement saisonnier au cours de la RA pollinique chez 50 % des patients;
- asthme aigu grave faisant suite aux orages ou thunderstorm associated asthma chez des malades jusque-là atteints seulement de rhinite pollinique (libération de très petites particules allergéniques à partir des pollens ramollis par la pluie et déchiquetés par l’orage) (12,13) ;
- asthme estival associé à une RA évoquant une allergie à Alternaria (symptômes en été en forêt) ou une allergie aux acariens (RA et asthme en allant dans une maison de campagne ou en rentrant de vacances dans une maison fermée jusque-là) (14).
› Il faut rechercher une otite séro-muqueuse (OSM) au cours d’une RA, en particulier pollinique (15) (photo 4). Le diagnostic de cette association, fréquente chez l’enfant, est basé sur les plaintes (otalgies), l’examen systématique du tympan, et la tympanomètrie. L’OSM est surtout due à l’inflammation locorégionale associée à la rhinite, mais il existe des OSM isolées par allergie IgE-dépendante. Il faut évaluer la qualité de vie en précisant l’impact de la RA sur la vie professionnelle, scolaire et sociale (jeux, activité physique, sport).
Classifications
Il était classique d’opposer les RA saisonnières (surtout dues aux pollens) et les rhinites perannuelles (surtout dues aux acariens, aux blattes, aux phanères d’animaux). La recommandation ARIA propose une classification chronologique basée sur la durée des symptômes de RA et le retentissement sur la qualité de vie.
>Ces deux classifications (RA saisonnières vs. RA perannuelles et RA intermittentes vs. RA persistantes) sont indépendantes et par conséquent ne sont pas interchangeables. La classification ARIA a également le mérite de se calquer sur celle de l’asthme (GINA, Global Initiative for Asthma).
Diagnostic
› Le diagnostic est le plus souvent facile:
- un interrogatoire simple précise, les antécédents d’allergie, les circonstances d’apparition des symptômes et d’exposition aux allergènes ;
- l’examen ORL à l’aide d’un speculum auri, montre le plus souvent des sécrétions translucides et un aspect lilas et pâle de la muqueuse nasale ;
- la positivité des prick tests (PT) donnant une papule nettement › 3mm à un ou plusieurs allergènes ;
- le comptage des grains de pollen et le calendrier pollinique (RNSA, Réseau de Surveillance Aérobiologique) qui aident le diagnostic (voir encadré E1) ;
- le dosage des IgE sériques spécifiques (IgEs) est en général utile comme confirmation des PT, et lorsqu’une immunothérapie allergénique (ITA) sera proposée (pollens, acariens), mais un dosage simple est recommandé, par exemple Rast d1 (DermatophagoIdes pteronyssinus) g3 (dactyle), g6 (phléole) (etc.). Le dosage d’IgEs contre certains allergènes recombinants peut être utile dans certaines situations (en particulier les polysensibilisations) mais uniquement sur demande d’un allergologue.
› Le diagnostic est plus difficile dans plusieurs cas :
- les pollinoses de proximité surviennent surtout au cours d’expositions professionnelles chez les jardiniers, les fleuristes, au cours de l’entretien des espaces verts (mimosa, pissenlit, plantain, mûrier à papier, cyclamen, thuya) (16,17) ;
- les activités de plein air peuvent déclencher une gêne respiratoire évoquant un asthme d’effort. Au cours de l’asthme d’effort, la gêne sifflante survient à la fin de l’effort et à la récupération, puis régresse spontanément en 10 minutes, et il n’y a pas de gêne nasale ;
- la pêche en plein air peut s’accompagner de rhino-conjonctivite, d’asthme, et/ou d’urticaire : il faut penser à une allergie aux multiples appâts de pêcheur (vers de vase) (18) ;
- les allergies au contact des herbes (urticaire, anaphylaxie) sont dues à des allergènes végétaux non polliniques, le plus souvent sur peau lésée ; l’effort est un cofacteur ; la plupart des patients n’ont pas d’allergie pollinique (19,20) ;
- l’allergie au jus de pelouse lors de la coupe du gazon se manifeste par une rhinite et conjonctivite aiguës, une urticaire, une anaphylaxie. Elle n’est pas due à une allergie croisée avec les pollens, mais à l’inhalation d’aérosols de jus de pelouse pendant la coupe des herbes. L’allergène responsable, présent dans les feuilles et les tiges a été caractérisé. C’est une sous-unité de la ribulose-1,5-diphosphate carboxylase/oxydase (RubisCO), enzyme principal sur la Terre, permettant la fixation du carbone du CO2 dans la matière organique (21) ;
- la rhino-conjonctivite par allergie à Alternaria survient surtout en juillet-août dans des endroits propices aux moisissures (sous-bois, sols humides).
QUEL(S) TRAITEMENT(S)
La prise en charge comporte l’éviction, le traitement symptomatique et l’immunothérapie allergénique (ITA).
Éviction des allergènes/h4>
L’éviction des acariens (Encadré 2) repose sur l’association de mesures ; elle est efficace si elle est globale, facilitée par un conseil en environnement intérieur (2). L’éviction des pollens est difficile, car ils pénètrent à l’intérieur des maisons. Le port de lunettes est conseillé, ainsi que les extracteurs d’air et les filtres anti-pollens dans les automobiles.
Les médicaments symptomatiques
› Les recommandations ARIA précisent la hiérarchie des traitements de la RA en fonction de la sévérité des symptômes :
- Rhinite intermittente légère. Les options sont (sans préférence d’ordre) : antiH1 oral ou intra-nasal ; vasoconstricteur local ou oral (moins de 10 jours, contre-indiqué chez l’enfant).
- Rhinite intermittente modérée à sévère et rhinite persistante légère. Les options sont sans préférence d’ordre : antiH1 oral ou intra-nasal ; antiH1 oral + vasoconstricteurs ; corticoïdes intra-nasaux.
› Les patients sont revus au bout de deux à quatre semaines :
- Si la rhinite reste persistante, modérée à sévère, les corticoïdes par voie intra-nasale sont prescrits en première intention.
- Si l’obstruction nasale est importante, une corticothérapie orale ou des vasoconstricteurs en cure courte sont licites au-dessus de 10 ans (contre-indication chez les enfants de moins 10 ans).>
› Après 2 à 4 semaines, ces patients sont à nouveau évalués et, si les symptômes persistent : anti-H1 oral ± ipratropium.
Important : l’injection intramusculaire d’un corticoïde retard est formellement contre-indiquée, en particulier à cause du risque d’atrophie musculaire au point d’injection.
Cas particuliers
- Conjonctivites allergiques saisonnières : lavages oculaires fréquents avec du sérum physiologique permettant d’évacuer les allergènes polliniques ; collyres antiH1 dépourvus de conservateurs. En fait, certains corticoïdes intranasaux permettent de contrôler à la fois les symptômes nasaux et oculaires au cours de la rhinite allergique saisonnière modérée à sévère (11).
- Asthme pollinique : il est licite de prescrire 4-5 jours de corticoïdes per os, puis des corticoïdes inhalés jusqu’à la fin de la saison pollinique
Traitement de fond : l’immunothérapie allergénique
› Protocole.
L’ITA vis-à-vis des acariens et pollens est seul traitement actuel capable de modifier durablement le statut immunitaire de l’allergique. Naguère, on discutait les modalités de l’ITA, par voie sous-cutanée (ITA-SC) ou par voie sublinguale (ITA-SL) par gouttes ou comprimés à délitement sub-lingual (disponible pour les pollens, bientôt pour les acariens). En fait, l’ITA-SL a maintenant la faveur des allergologues, par gouttes ou comprimés à délitement sublingual, en particulier chez l’enfant (22).
› Sa durée est en moyenne de 3 ans. Ses effets bénéfiques peuvent persister plusieurs années après son arrêt : de 3 à 12 ans. Elle a également des effets préventifs vis-à-vis de l’apparition de nouvelles allergies. En pratique, il faut insister sur la précocité et la régularité du traitement protecteur. Sur avis spécialisé, un traitement par anti-IgE (omalizumab) permet d’améliorer les symptômes de RA et d’asthme, seul ou associé à l’ITA (23,24). <
Les indications sont les suivantes :
- RA aux acariens
L’ITA est indiquée lorsque la RA est sévère et/ou prolongée surtout s’il existe un « asthme léger » ou « modéré associé » (2). De plus, l’ITA peut diminuer les risques d’aggravation de la maladie atopique.
- RA polliniques
Si les symptômes ne sont pas suffisamment contrôlés par un traitement médicamenteux préventif pré et co-saisonnier par les antihistaminiques per os et les traitements locaux et occasionnent, au moins, 3-4 semaines de gêne pendant la saison pollinique. Toute aggravation des symptômes d’une année à l’autre, surtout chez des adolescents en période d’examens, représente une indication pratique supplémentaire.
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