Harcèlement moral et sexuel à l'hôpital : face à l'immobilisme, les internes se tournent vers le ministère de la Justice

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Publié le 18/01/2021

Crédit photo : Phanie

L'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) a été reçue en fin de semaine dernière par le ministère de la Justice pour évoquer à nouveau la question du harcèlement moral et sexuel en milieu hospitalier. Afin d'en finir avec la culture du silence qui continue de prévaloir, le syndicat veut encourager tous les étudiants concernés à porter plainte et obtenir des condamnations des responsables.  

Cela fait plusieurs années que les jeunes alertent sur la banalisation du sexisme et du harcèlement en milieu hospitalier, notamment lors des stages. En 2017, l'ISNI avait publié une enquête coup de poing, auprès de 3 000 jeunes, révélant que près de 9 % des internes de médecine avaient vécu une situation de harcèlement sexuel et que 68 % d'entre eux se déclaraient victimes de sexisme au quotidien dans leurs études.

Plusieurs témoignages chaque semaine

Le syndicat avait alors avancé une dizaine de mesures dans la foulée (campagne nationale sur le harcèlement, aide pour porter plainte, accompagnement gratuit pour lancer les procédures, etc.). Mais trois ans plus tard, peu de choses ont bougé, se désole la structure jeune. « Je reçois toujours un à deux témoignages par semaine de tels délits, soit du harcèlement moral ou sexuel, soit des agressions sexuelles », confie au « Quotidien » Gaëtan Casanova, président de l'ISNI, qui a fait de ce dossier une des priorités de son mandat. 

À défaut d'avancée concrète du côté du ministère de la Santé, le chef de file des internes s'est donc tourné vers le ministère de la Justice pour faire bouger les lignes plus rapidement. « J'ai expliqué les spécificités du monde médical, la difficulté des jeunes à en parler et à judiciariser ces affaires de harcèlement car ils ont peur des représailles », souligne-t-il. L'ISNI a proposé aux conseillers du garde des Sceaux de travailler en particulier sur l'« extraction » des internes mis en difficulté vers un autre établissement, département ou région.

Instructions aux procureurs

Les juniors ont aussi réclamé la rédaction d'une instruction spécifique à destination de tous les procureurs pour sensibiliser à la question du harcèlement dans le monde médical et encourager les enquêtes de police. « Tous ne sont pas familiarisés à ces questions, on a aussi proposé de mettre en place des formations aux magistrats sur les spécificités du monde hospitalier », ajoute le président de l'ISNI. Selon les jeunes, deux enquêtes de police sont en cours pour des faits de harcèlement dans des hôpitaux. 

Enfin, l'ISNI encourage à nouveau ses pairs à déposer plainte systématiquement dès lors qu'il s'agit d'un délit pénal. Autre signe de sa détermination, le syndicat lancera à la fin du mois une campagne contre le harcèlement pendant les études. « C'est un angle d'attaque pour parler des risques psychosociaux et des conditions de travail. Je suis convaincu qu'en se battant on va accélérer les choses, poursuit Gaëtan Casanova. Certaines histoires nous bouleversent et rien ne se passe, j'ai honte. Ce qui est sûr, c'est que dès qu'il y aura des condamnations, on les communiquera. »

Plusieurs études récentes ont souligné l'ampleur des faits de harcèlement à l'hôpital. En 2019, le site Medscape révélait qu'une femme médecin sur six avait déjà été victime de harcèlement sexuel de la part d’un collègue soignant. La même année, une vaste enquête d'APH et Jeunes médecins documentait la longue série de discriminations envers les femmes à l'hôpital en matière de gestion de carrière ou de temps de travail.


Source : lequotidiendumedecin.fr