Permanence des soins et pénibilité à l'hôpital : jugés prioritaires par François Braun, les chantiers peinent à avancer

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Publié le 01/03/2023
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Prise en compte de la pénibilité au sein de l'hôpital public mais aussi résolution de « l’épineuse question du partage de la permanence des soins entre les établissements de santé publics et privés » : François Braun, lors des vœux, le 30 janvier, avait évoqué plusieurs chantiers hospitaliers jugés prioritaires à ses yeux. 

Un mois plus tard, le secteur reste dans l’expectative. « C’est le silence radio au niveau du ministère. Je n’ai aucune visibilité », confie au « Quotidien » la Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). « Nous sommes en 2023 et j’ai l’impression que l’on est six mois après le Ségur. Rien n’a été fait sur le chantier de la pénibilité », assène la psychiatre nantaise qui a le sentiment que l’on « fait du sur-place »

Manque de dialogue social

Le dernier exemple en date ? Une réunion de « méthodologie de dialogue social » organisée par la DGOS mi-février, en présence des organisations de PH et des représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF). Objectif : recenser les axes de travail et définir une feuille de route pour prioriser les sujets à traiter.

L’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) avait sa liste de priorités : revalorisation « immédiate » de la permanence des soins, évolution des grilles de salaire, décompte et reconnaissance du temps de travail des PH, valorisation de la pénibilité en intégrant « les astreintes, la prise en compte de cette pénibilité sur l’intégralité des carrières des PH », etc. Lasla réunion, pilotée par la DGOS, « n’a absolument pas évoqué les sujets proposés par les organisations syndicales, en dehors d’un vague échange sur la permanence des soins », enrage APH. Le ministère aurait imposé son ordre du jour avec la protection complémentaire santé, l’encadrement des tarifs de l’intérim ou la PDS, « mais uniquement sous les angles "rémunération" et "répartition public/privé" ».

Décompte du temps de travail

Le Dr Jean-François Cibien, président d’APH, rappelle pourtant que le chantier de la PDS a démarré de longue date, avant même le Ségur de juillet 2020. Mais depuis « rien n’a bougé », affirme l’urgentiste du CH d'Agen, précisant que les PH ont « de plus en plus de travail la nuit et le week-end, car on est quasiment devenus les seuls recours »

Pour les hospitaliers, la problématique de la pénibilité est liée à la question du décompte précis du temps de travail (qui ne concerne pas seulement les internes mais aussi les PH en poste). Or, malgré la décision du Conseil d’État en juin dernier, « le temps de travail n’est toujours pas comptabilisé », clame l’urgentiste. Les choses pourraient toutefois bouger : en février, le CHU de Strasbourg a été condamné pour ne pas avoir mis en place de décompte « fiable, objectif et accessible ».

Réforme des retraites : occasion manquée ?

Sur la question de la PDS, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare) réclame depuis des mois une « revalorisation pérenne » pour sortir du cycle des mesures provisoires d'attractivité prises depuis l'été 2022 (et partiellement reconduites). Ses revendications : le « doublement de l’indemnité de sujétion » (des gardes et astreintes) pour les PH, l’inclusion du samedi matin dans la PDS et le doublement du tarif du temps de travail additionnel (TTA), dans l’attente d'« équipes médicales à l’effectif nécessaire ». Le syndicat avait également demandé lors du Ségur que le temps de travail de la PDS soit correctement décompté et reconnu (24 heures = 5 demi-journées). Mais, à l’époque, « Olivier Véran avait refusé, car ce calcul coûtait trop cher à l'État, 180 millions d’euros par an, soit 500 000 euros par jour… », se souvient la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Snphare.

Enfin, aux yeux des PH, la réforme des retraites en cours devrait être l’occasion de reconnaître les contraintes particulières de l'exercice de PH. « Notre métier est source d’une pénibilité importante mais il ne rentre pas dans les catégories actives », explique la présidente du Snphare. Quant au compte pénibilité, « on ne rentre jamais dedans car on ne tient pas compte de notre exercice qui est hyperspécifique. Or, travailler 24 heures d’affilée de manière pénible, cela n’existe nulle part ailleurs ! », souligne l’anesthésiste-réanimatrice.

Le temps presse. Plusieurs enquêtes d’Action Praticiens Hôpital (APH) auprès du terrain – « Nuits blanches » et « Flash-back » – ont révélé que la pénibilité de la PDS et sa « nette sous-rémunération » étaient principalement à l’origine du manque d’attractivité de l'hôpital, entraînant des difficultés de fidélisation. Trois quarts des PH seraient prêts à quitter l’hôpital à cause de la PDS. Et celle-ci est considérée comme une « corvée » pour 40 % des médecins hospitaliers…


Source : lequotidiendumedecin.fr