« On ne se contentera pas de venir travailler avec un brassard » : les médecins des urgences d'Orléans en grève dure à partir de vendredi

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Publié le 05/04/2022

Crédit photo : DR

La trentaine de médecins des urgences du CHR d'Orléans sera en grève à partir du vendredi 8 avril. La semaine dernière, plus de 90 % des infirmiers et aides-soignants des urgences du CHR d’Orléans étaient en arrêt maladie pour cause d’épuisement, selon le syndicat SUD-Santé-sociaux. Le Dr Matthieu Lacroix, praticien des urgences, non syndiqué, explique au « Quotidien » les raisons de ce mouvement soutenu par le Samu-Urgences de France.

LE QUOTIDIEN : Les urgentistes du CHR ont annoncé une grève « dure ». Que réclamez-vous ?

Dr MATTHIEU LACROIX : On ne se contentera pas de venir travailler avec un brassard. Nous avons essayé toutes les méthodes pour nous faire entendre par la direction : multiples réunions, grèves avec brassard, audit externe, alertes dans la presse… Mais rien ne bouge. Nous exigeons que des lits soient libérés quotidiennement, et exclusivement, pour les patients des urgences. Nous demandons aussi la mise en place d’un « bed manager » ou d’une cellule de gestion des lits. Actuellement, nous devons passer trois à quatre coups de fil à des spécialistes pour trouver un lit, cela ne devrait pas être du ressort des urgentistes. Si aucune solution n’est trouvée, il y aura une vague de départs de médecins très importante, car nous ne pouvons pas cautionner plus longtemps ce type médecine d’urgence.

Comment le service est arrivé au bord de l’explosion ?

L’activité aux urgences augmente depuis plusieurs années, tandis que le nombre de lits disponibles a énormément diminué. Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons perdu 150 lits sur environ 1 000 lits. Il n’y a pas plus assez d’infirmiers ou de médecins de spécialités pour les faire tourner. Il y a dix ans, quand les patients restaient plus de 24 heures aux urgences ou quand il y avait une vingtaine de patients le matin pour la relève de garde, on trouvait déjà que c’était inacceptable. Mais cette jauge est passée à 30, puis 40, et, aujourd’hui, régulièrement 50 lors la relève. Nous mettons entre une heure et une heure et demie pour faire les transmissions de dossiers. Certains patients restent sur des brancards 3, 4 ou 5 jours, quand ce n’est pas 7 jours… C’est dramatique, car on peut perdre l’opportunité de leur faire tel ou tel examen. Les études montrent aussi que la morbimortalité augmente quand les patients stagnent longtemps aux urgences.

Que s’est-il passé exactement ces dernières semaines ?

Cela fait des mois que les paramédicaux et les médecins des urgences alertent la direction à propos de la dégradation croissante des conditions de soins et de travail. Il y a quinze jours, les paramédicaux ont fait valoir leur droit de retrait pour la première fois, car il y avait entre 50 et 70 patients aux urgences lors de la relève. Ils ont refusé de prendre leur poste l’après-midi, avant d’accepter de reprendre le travail. Un scénario identique s’est reproduit il y a une semaine. Les paramédicaux, qui étaient déjà au bord de la crise de nerfs, ont décidé qu’ils ne pouvaient plus travailler dans ces conditions. Ils ont donc demandé à leur médecin de les arrêter.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

L’activité a diminué de manière drastique. Nous ne fonctionnons qu’avec des infirmiers intérimaires, avec ceux de l’équipe de remplacement ou d’autres services. Les infirmiers sont en moins nombreux et souvent non formés pour les urgences, nous sommes donc très rapidement débordés. L’hôpital a même communiqué dans la presse pour dire qu’il ne fallait plus venir aux urgences sans appeler le 15 au préalable, tandis que la régulation réoriente de manière massive les patients vers d’autres structures du territoire.

L’accueil des urgences vitales fonctionne toujours, le centre 15 continue à nous envoyer les patients quand ils estiment qu’ils ne peuvent pas faire autrement, mais les petites traumatologies ne rentrent plus aux urgences. Nous réorientons même les patients quand les motifs de consultation sont un peu plus incertains : douleurs thoraciques chez un jeune patient, douleurs abdominales, etc. Nous essayons de trouver une offre de soins aux patients, mais celle-ci est catastrophique dans le Loiret, car c’est l’un des plus grands déserts médicaux de France.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr