Confrontés à la « réalité du terrain » en stage, les étudiants infirmiers abandonnent en masse leur formation

Publié le 06/04/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Malgré un record de candidatures, les études d’infirmiers font face à un nombre d’abandons sans précédent, aggravant la pénurie de soignants. Ainsi, les 365 instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) ont reçu plus de 689 000 dossiers de candidatures sur la plateforme d'orientation post-bac en 2021, selon le ministère de l'Enseignement supérieur. Il y a seulement quatre ans, les instituts recensaient 180 000 candidatures.

Une envolée qui s'explique en partie par la réforme de 2019. Jusqu'alors, les candidats devaient passer un concours pour chaque école à laquelle ils postulaient, avec frais d'inscription à la clé et déplacements. Depuis 2019, les bacheliers candidatent sur dossier auprès de dix Ifsi maximum, à travers Parcoursup, sans frais ni concours.

« Un gouffre entre la formation et la réalité du terrain »

« Le métier est très valorisé et respecté » dans l'opinion publique « mais il existe un gouffre entre la formation et la réalité du terrain », constate Mathilde Padilla, présidente de la Fédération des étudiants infirmiers (Fnesi). Le diplôme d'infirmier représente « une filière attractive », mais qui peine ensuite à retenir les étudiants, déplore-t-elle.

Un paradoxe qui explique, selon la jeune femme, les défections au cours du cursus de formation. Ainsi, deux mois après la rentrée 2021, près de 13 % des étudiants ont lâché leur formation, selon les chiffres de 165 Ifsi transmis au Comité des instituts de formation du paramédical (Cefiec).

En octobre déjà, Olivier Véran avait lui aussi admis un taux important de défections, chiffrant à 1 300 le nombre d’abandons d’étudiants entre 2018 et 2021. Soit autant de futurs infirmiers « perdus » pour un secteur « aux besoins de recrutement très importants », rappelle Amélie Roux, responsable des ressources humaines pour la Fédération hospitalière de France (FHF).

Campagne de pub et contrats d'apprentissage

Inévitablement, ces abandons se traduisent ensuite en difficultés de recrutement par les hôpitaux, selon la commission d'enquête du Sénat sur l’hôpital. Le rapport sénatorial demandait qu’une évaluation soit « rapidement menée » sur la formation initiale des infirmiers et admettait que « la sélection par Parcoursup était inadaptée ».

Face à cela, le gouvernement a annoncé il y a deux semaines une série de mesures pour diversifier les profils d'étudiants dans le paramédical, à grand renfort de campagne de pub. Et à la rentrée prochaine, 10 000 contrats d’apprentissage seront ouverts aux paramédicaux. Dans un secteur où écoles et établissements de santé ont peu recours aux contrats d'apprentissage, le gouvernement espère attirer un nouveau public et limiter le nombre d'abandons dus à des raisons financières. Sauf que, pour les représentants d'étudiants et formateurs infirmiers, l'apprentissage est « un moyen, mais pas la solution à tout ». « Entre les stages et les apprentissages théoriques », la formation dans le paramédical s'appuie déjà sur le travail de terrain, constate Amélie Roux.

Erreurs d'orientation

C'est la confrontation avec la réalité de l'hôpital, découverte pendant les stages, qui est la première cause des abandons des étudiants lors de leur cursus, pointe Mathilde Padilla. L'enquête du Cefiec évoque, elle, les « erreurs d'orientation » et des « motifs personnels » plaidés par les étudiants sur le départ.

Avec la fin du concours depuis 2019, « la sélection, où il n'y a plus d'entretien, n'est pas adaptée », a jugé le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris (AP-HP), lors de son audition au Sénat. La « demande surabondante » de lycéens souhaitant devenir infirmiers « dirige vers les Ifsi trop de profils paraissant insuffisamment motivés ou préparés à la réalité de la formation », abonde le rapport du Sénat.

La présidente de la fédération d'étudiants infirmiers dit pour sa part être « complètement contre » un retour du concours d'entrée. Elle en appelle plutôt à un « travail sur l'orientation », dès le lycée, pour éviter les désillusions sur les bancs de la fac.

(avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr